vendredi, décembre 15, 2006

Cobra / Exubérance / Férocité.













Cobra !




Quand plusieurs peintres se rassemblent pour travailler ensemble ils prennent un nom de groupe, comme en musique.
Par exemple, les Beatles en 1960.
En poésie, les Dadaïstes en 1916.
En peinture, en 1948, le groupe Cobra.
Plusieurs artistes des pays du Nord de l'Europe se sont rassemblés juste après la seconde guerre mondiale. Ils n'ont pas voulu entrer dans les autres groupes qui existaient déjà, ça ne leur convenait pas. Ils ont donc inventé le groupe Cobra.

Le nom Cobra provient de la réunion des premières lettres de Copenhague, Bruxelles et Amsterdam:
CO-BR-A.

(Ce sont trois villes que l'on trouve l'une au Danemark, l'autre en Belgique et la dernière en Hollande.)
Ils auraient pu écrire COBRAM en prenant les deux premières lettres de chaque ville..., mais ils ont préféré COBRA.
C'est le hasard si le début de ses trois villes forme un autre mot, le nom d'un serpent. Il y a d'autres serpents; le piton, la couleuvre, la vipère, le boa, le naja.
On appelle aussi le cobra ; "serpent à lunettes" à cause du dessin qui se forme sur sa drôle de tête quand il a peur. Cela a dû beaucoup leur plaire quand ils ont découvert que les lettres du début de leurs villes formaient ce mot.
Faut-il des lunettes pour peindre les courbes, les lignes ondulées, les arabesques?... toutes ces traces que laissent les serpents dans le sable ?
C'est sans doute pour cela qu'ils ont aimé et gardé ce nom de serpent.
Les artistes du mouvement cobra sont aussi poètes : ils aiment aussi bien les poètes que les peintres, les sculpteurs, les photographes, les cinéastes, les musiciens ; ils n’aiment pas que l'on fasse des différences entre les différents arts.


Quand on se rassemble en groupe, c'est que l'on a envie de travailler ensemble.
Les artistes du mouvement cobra souhaitaient retrouver l'énergie que l'on a quand on est enfant, quand on a peur de rien... La peinture n'est pas dangereuse, on ne risque rien, on peut y aller, on peut se déchaîner.
C'est ce qu'ils ont fait.
Ils ont peint de manière agressive, et sauvage. Ils ont essayé d'avoir des gestes désordonnés. Ils ont peint avec des couleurs violentes. Ils ont peint avec des couleurs très différentes les unes des autres, sans les mélanger.
Au début du siècle "les fauves" peignaient déjà comme cela. On les appelait ainsi parce qu'ils peignaient comme des animaux qui n'auraient pas pu mélanger leur peinture sur leur palette avec leurs pattes. Les fauvistes peignaient toujours des paysages et des portraits.

Cinquante ans se sont écoulés, la peinture de paysages, de natures mortes, et de personnages n'intéresse presque plus les grands peintres et surtout pas les peintres du mouvement Cobra.
La plupart des grands peintres de cette époque sont des peintres abstraits* ou surréalistes*, ça ne leur convient pas du tout non plus.
*Les peintres abstraits ne peignent que des formes et des couleurs pour le plaisir des formes et des couleurs
*Les peintres Surréalistes peignent des choses que l’on voit, mais, avec eux, elles deviennent bizarres.

Qu'est-ce qu'ils pourraient bien faire d'autre ?
Ils trouvent que tout le monde triche en peinture, que personne n'est vraiment sincère, ils aimeraient bien retrouver au fond d'eux-mêmes quelque chose qui appartiendrait à l'homme primitif, ils pensaient qu'on l'était toujours encore un peu.

Ils aiment bien quand même un peu la peinture abstraite et la peinture surréaliste, mais alors, il déteste la peinture réaliste que l'on trouve à cette époque, en Union soviétique ; c'est une peinture mensongère. On peut y voir des paysans et des ouvriers très heureux en train de sourire et de lever les bras au ciel pour dire qui veulent encore travailler plus. C'est de la peinture pire que les photographies qui, elles, ne peuvent pas tout cacher. En peinture, on peut inventer tout ce que l'on veut quand on a la technique.
Aujourd'hui on sait très bien que la vie en Russie n'était pas aussi belle qu'ils voulaient nous le faire croire avec leur peinture exagérée. Beaucoup de gens avaient faim, ils étaient sous la dictature de Staline qui envoyait beaucoup de monde en prison.
Quand on parle de politique on a l'impression qu'on ne parle plus de peinture, il ne faut pas avoir cette impression, quand on parle de peinture il faut parler de l'histoire du monde.


1948. La seconde Guerre Mondiale est finie depuis trois ans.
Les artistes du mouvement Cobra se rassemblent pour peindre des toiles que personne n’ose faire. Ils sont certains que les autres artistes se trompent :
1- ils ne veulent pas être des peintres abstraits trop sages.
2- ils ne veulent pas être des peintres du mensonge.
3- ils en ont marre de la peinture surréaliste bizarre commandée par un chef.

Et pourtant à cette époque les Surréalistes parisiens travaillent beaucoup ils sont connus dans le monde entier.

Les jeunes artistes du nord de l'Europe en ont marre que l'on ne parle que de Paris, ils veulent que l'on s'intéresse à eux parce qu'ils ont des idées des pays du froid.
Ils sont loin des légendes grecques et romaines qui parlent de soleil et des oliviers. Ils sont proches des légendes nordiques qui parlent de brumes, de forêts et de montagnes.
À Paris avec des artistes comme Miro, Picasso, Dali, on est en Espagne au bord de la douce Méditerranée.
Les artistes du mouvement Cobra veulent se rapprocher des mers froides du nord.
Ils veulent même réinventer la vie primitive de leurs ancêtres les Vikings.
Ils veulent tout oublier de la civilisation dans laquelle ils sont. Ils veulent oublier qu'il y a eu des peintres avant eux, alors ils peignent en gommant ce qu'ils connaissent ; c’est à dire la peinture de Léonard de Vinci, de Van Gogh, de Picasso...
Puisqu'ils font comme s'ils avaient gommé la peinture, ils vont être obligés de recommencer à zéro.
Et quand on commence par le début, il faut expérimenter.
Expérimenter ! Ça sera le mot le plus important du groupe de peintres Cobra.
Ils ne veulent plus que quelqu'un leur dicte tout ce qu'ils ont à faire.


Ce que veut faire Cobra est clair et simple, ils veulent retrouver les traces et l'énergie de leurs ancêtres (c'est ce qu'on appelle l'inconscient collectif). Et en cherchant bien, en expérimentant ! Ils veulent faire surgir une peinture (une culture particulière) qui est bien cachée mais qui est sincère. Ils aimeraient bien retrouver cette sincérité, cette authenticité.
Ils aimeraient bien que la peinture ne soit que le plaisir de la vue du toucher.
Ils ne regardent plus dans les livres, ils ne vont plus au musée et n'ont pas envie de savoir comment les autres peignaient avant eux. De plus, ils détestent ceux qui ont de l'argent et qui connaissent trop de choses qui les empêchent d'être libre de faire ce qu'ils veulent. En cela ils sont proches des idées communistes des Surréalistes, du coup, proches des Russes et ça, ça les embête beaucoup.

Leur façon de peindre a marché un bon moment, ils ont fait comme s'ils ne connaissaient pas les mélanges des couleurs, comme s'ils ne savaient pas qu'on devait rajouter de l'eau dans la peinture, ou au contraire ils en rajoutaient de trop et ça faisait des coulures. Ils aimaient bien les grosses couches de peinture qui faisaient comme des gros chewing-gums collés sur la toile, et la peinture à l'eau qui dégoulinait comme si on lavait un pare-brise de voiture. Leurs dessins et leurs peintures donnent l'impression qu'elles ont été faites dans le noir avec la main gauche tellement tout est désordonné. On peut même penser qu'ils se dépêchaient de peindre parce qu'ils avaient peur du noir.
Le résultat est sauvage.
On ne croirait pas que c'est quelqu'un d'adulte qui a peint cela, mais plutôt un sorcier barbouilleur qui se serait bien amusé en essayant d'entrer dans la peau d'un autre peintre.
Karel Appel prenait un pinceau dans chaque main, avec l’un il faisait des lignes et avec l’autre il s’occupait des couleurs, il faisait les deux actions en même temps.
Voici les trois mots qui expliquent toutes les oeuvres des artistes du mouvement cobra :
L'exubérance, l'humour et la férocité.



Les principaux artistes du mouvement Cobra sont Karel Appel. Asger Jorn. Pierre Alechinsky. Corneille. Constant. Nyholm. Egill Jacobsen. Christian Dotremont. Noiret. Pederson. Ejler Bille.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bravo ! Très belle explication du groupe Cobra.

Bonne continuation.

claude Bournot a dit…

Pour les fans de l'esprit cobra, une initiative intéressante du peintre Christian Wind et du poète Dominique Hoppe, ; unir à nouveau les deux arts:

http://www.christian-wind.com

et

http://www.vent-et-espoir.net