lundi, février 26, 2007

Le radeau de la Méduse




















« Le Radeau de la Méduse » qui mesure 5 mètres sur 7 est un très grand radeau que l’on peut voir au Louvre.

Le radeau de la Méduse est une très grande toile peinte de 10 mètres sur 20 que l’on ne peut pas voir au Louvre.
- « Non ! C’est le contraire ! »


La toile a été peinte au début du XIXe siècle un peu avant l’invention de la photographie ; il n’y avait pas de photographe comme Robert Capa sur le radeau pour relater l’événement !
…Il n’y avait pas non plus de téléphone portable pour témoigner de l’attaque à la fourchette des terroristes par les passagers courageux. Pas non plus de caméra pour faire du « happy slapping » !
Tout le monde a déjà vu le tableau « Le Radeau de la Méduse » en reproduction sur un livre, mais personne ne peut s’imaginer ce qui s’est passé durant ces 13 jours de dérive.



En pleine tempête, 150 personnes s’entassent sur un vrai radeau fait de mâts; seulement 15 rescapés seront recueillis par le bateau « Argus ».
Cinq autres mourront quelques jours après.
Sur la peinture du radeau, les 19 personnages se portent plus ou moins mal de bas en haut suivant une ligne à 45 degrés, néanmoins, ils sont tous plutôt bien musclés.
Il y a des hommes noirs et des hommes blanc verdâtre.
C’est un homme noir qui est placé le plus haut sur le tonneau, c’est lui qui se distingue bien sur le fond clair de la mer éclairée par les éclairs d’un orage ou par plusieurs projecteurs de scène.
Il est tout en haut, il fait un signe avec un chiffon qui semble amidonné.

- « À qui est destiné ce signe ? »
Si l’on regarde bien à la loupe dans la partie claire à l’horizon, on aperçoit une espèce de mouche à voiles, c’est un trois-mâts qui arrive de face, il est encore bien riquiqui à l’horizon.
Géricault a aimé mettre un noir sur le haut du radeau parce que sa peau contrastait avec le ciel, plus que celle d’un blanc.
Théodore Géricault a eu trois raisons pour mettre un noir en haut du podium.
La deuxième raison était que tout l’équipage se rendait au Sénégal.
La troisième raison était que Géricault commençait à penser sérieusement que les Noirs avaient leur place dans notre société, mais ce n’est pas encore l’heure de l’abolition de l’esclavage par Victor Schoelcher.

“Le Radeau de la Méduse” est un titre énigmatique pour un tableau…
Pas vraiment, puisque c’est le nom du bateau qui s’est échoué sur le sable au large, à cent kilomètres des côtes africaines. C’est donc naturellement que le radeau construit par les rescapés s’appelle le radeau du bateau “ Méduse ”. sachant tout de même qu’une méduse n’est qu’une bestiole transparente que l’on n’aime pas rencontrer quand on se baigne. Ça peut être aussi une hideuse tête de femme avec des serpents à la place des cheveux qu’il ne faut pas regarder sous peine d’être transformé en statue pour longtemps.
Il faut seulement savoir que quatre bateaux se destinaient pour le Sénégal l’un s’appelle la Méduse, l’autre l’Argus, pour les deux autres, j’ai un trou.



Ce bateau appelé Méduse s’est échoué sur un banc de sable ; il n’a donc pas coulé ! Ils étaient 400 à bord, c’était trop pour les chaloupes ! Tout le monde a pu quitter le bateau, en canot, en chaloupe ou sur un grand radeau. Sur les canots et les chaloupes, s’étaient installés l’aristocratie et aussi les militaires de haut rang dont le capitaine.

Les canots et les chaloupes étaient chargés de remorquer le grand radeau qui contenait plus de 150 personnes bien vivantes, mais pas importantes pour la majorité. Le rivage n’était pas si loin, mais les courants étaient assez forts. Les rameurs des canots de sauvetage ne réussissaient pas à entraîner le radeau vers le rivage situé à une centaine de kilomètres.
Le radeau faisait dériver les chaloupes à rames.

- « Je ne sais pas ce que vous auriez fait si vous étiez à la place des heureux élus voyageant dans les canots et les chaloupes ? Ou vous décidez de vous débarrasser du radeau qui est en remorque comme un boulet pour être libre d’aller vers la côte en face, à l’Est, ou vous dérivez avec eux au sud. »


Les passagers des chaloupes ont coupé les cordes qui remorquaient le radeau ; les canots de sauvetage sont arrivés sur la plage quelque temps après, pas très frais.
Le radeau a dérivé des jours et des jours, la dérive n’a pas duré des lustres, 13 jours exactement, sans vivres, sans eau ; ça fait des ravages.
Dès le début, il a fallu balancer à la mer la nourriture et les liquides parce qu’il n’y avait pas assez de place pour tout le monde. Les 150 passagers avaient de l’eau de mer jusqu’à la ceinture.
Les premiers jours, quelques-uns sont tombés à la mer, d’autres se sont faits broyés les membres par les poutres disjointent. Il y a eu aussi deux rébellions à l’arme blanche. Les cadavres se sont entassés sur le radeau ; devenaient plus stables sur les poteaux rassemblés que les hommes debout déséquilibrés.


On fit sécher de la viande humaine sur les haubans, on en a mangé, on a bu des urines.
- « Le pire des cauchemars, quoi ! »
Ils n’étaient plus que15 dans un piteux état quand ils ont été recueillis.
- « S’il y avait eu quelques caméscopes à bord, de son canapé, on aurait sans doute eu des images ahurissantes à 2O hoo sur son écran plasma ! »
L’événement était digne d’une couverture de Paris-Match, ce fut le cas à cette époque.

Intéressons-nous à la raison qui a fait échouer ce bateau.
Le capitaine cacochyme était un incompétent qui reprenait du service après que tous les officiers bonapartistes aient été mis à pied ; ce sont donc les anciens militaires de la royauté d’avant 1789 qui reprenaient les rênes de l’armée française, de la Marine Française après la chute de Napoléon en 1814.
Le vieil amiral n’a pas pu lire la carte sur laquelle le banc de sable était bien mentionné ; comme un bleu, il s’est échoué.
Échoué n’est pas coulé. La coque du bateau était bloquée sur du sable, avec quelques mètres d’eau tout autour. Cette coquille endommagée était donc à la merci des tempêtes ; elle pouvait se retourner d’un moment à l’autre. Il aurait sans doute mieux valu que tous ceux qui se sont installés sur le radeau restent là pendant que les chaloupes rejoignaient la côte, c’est ce qu’ont fait 17 personnes. Quand ils ont été recueillis, ils étaient devenus fous, dit la chronique.

- « Stop ! Ne parlons plus de l’horreur de cette catastrophe. Discutons de l’incompétence de ce capitaine. »
Certains hommes politiques montèrent cet épisode en épingle dans la presse écrite. Géricault, profita de cette occasion; c’est donc un scandale militaire et politique que dénonça Théodore Géricault avec ce grand tableau, un peu à son insu sans doute, lui voulait réussir un chef-d'oeuvre.

- « Eh bien alors, il aurait dû peindre les hommes maigres, affamés, aux yeux hagards, dévorant de la chair humaine, cela aurait été plus percutant ? »
Il y a songé, des esquisses montrent des scènes d’anthropophagie.
Puis, il s’est ravisé. Il a préféré la scène finale de l’espoir, avec les voiles du bateau au loin et de l’homme noir qui va bientôt prendre sa place d'être humain dans notre tête de blanc.
S’il a peint des colosses, c’est que ça répond aux codes des canons esthétiques de la Renaissance et donc de cette période Néo-classique. Le tableau s’inscrit dans deux triangles isocèles légèrement décalés comme l’aurait fait un artiste de la Renaissance.
- « Alors, il ne s’est pas posé la question de peindre des gens maigre comme ceux des camps nazis qui eux ont été photographiés à l'arrivée des Américains. »

C’est impensable, à cette époque ! Les personnages du radeau sont en quelque sorte les mêmes personnages que ceux de Michel-Ange dans son Jugement Dernier ; les muscles sont saillants, les pauses sont étudiées, tout est apprêté, un peu comme si Schwartzie avait eu tous les rôles.

- « Ce tableau témoigne donc d’un fait-divers hallucinant, résultat d’une déficience de commandement. »
Le responsable sera condamné à 5ans de prison…
En 1819, le tableau exposé ne sera pas vu pour comme étant irréaliste. À cette époque, il était impensable de peindre la vie misérable telle qu’elle était. Les vrais rescapés qui ont posé pour le peintre avaient repris du poil de la bête, ils n’étaient plus amaigris, ils n’avaient plus de sales têtes, il n’était pas question de voir cela sur cette peinture de salon inauguré en grande pompe comme un salon de l’agriculture.
Cinquante ans plus tard, Courbet s’essaya au réalisme avec un enterrement. Son tableau a surpris parce que le curé est un peu rougeaud, les villageois plutôt frustres. Il n’y a pas de mélodrame comme sur le radeau, cet enterrement de campagne est banal, trop vrai.

Théodore Géricault, n’y est pourtant pas allé de main morte quand il s’est attelé à ce travail qui lui a demandé dix huit mois. Il a décidé de s’installer pas très loin de la morgue pour pouvoir y récupérer des parties de corps humains. Il en a entassé quelques-unes dans son atelier. Il y avait une puanteur exécrable ; des bras, des jambes, des têtes coupées étaient ses modèles. Rien de tout cela ne sera sur la toile.
Il a bien observé l’état de la chair humaine qui se décompose, il a travaillé les verdâtres, les jaunâtres et les brunâtres, c’est la partie la plus réaliste.
« Il a fait fort avec la couleur ! »

Il a fait beaucoup de croquis préparatoires. Il a essayé quatre ou cinq compositions différentes pour ce grand tableau, Sur l’une de ses esquisses à la gouache, on voit un personnage en train de mordre l’épaule ou le bras de son compagnon, il abandonnera cette idée.
Sur son tableau, il n’est pas question de viande humaine boucanée sur des cordes, il n’est pas question de sang.
- « On peut repérer un indice sur le radeau ; il y a un outil qui coupe, c’est une hache ! elle n’est même pas rougie, elle n’a peut-être servi qu’à fabriquer le radeau ? »
Éventuellement, si vous cherchiez la trace de sang humain sur ce radeau, il faudrait suivre du doigt le ruban rouge qui parcourt six ou sept personnages de la scène, quelquefois il couvre leur tête, quelquefois il passe derrière eux.

- « On a bien l’impression qu’ils sont en pleine mer, qu’ils sont bien contents de voir arriver un bateau loin, mais on n’a pas la moindre idée du temps qu’ils sont restés en mer. Cela pourrait être une mise en scène pour un film d’action hollywoodien à gros budget ! »
En quelque sorte c’est un peu cela, la caméra.., je veux dire, l’œil du spectateur est presque sur le radeau, nous sommes très près de ce regroupement d’hommes, mais heureux de ne pas être avec eux. Un éclairagiste fait zébrer quelques éclairs, une grosse ventilation souffle dans l’unique voile
Si c’était un véritable radeau qui subissait cette vraie force des vagues que l’on remarque derrière la voile, personne ne pourrait tenir sur un tonneau, tout le monde serait accroché aux bastingages, à une poutre, à une corde. Il faut avoir été en mer par mauvais temps pour savoir qu’un radeau est une véritable coquille de noix qui remue tout le monde beaucoup plus qu’une attraction foraine.

- « Qu’est-ce que ce tableau est sombre ! »
Géricault a sans doute exagéré avec la couleur noire, il aurait pris une forme de goudron qui noircit de plus en plus ; quelques personnages sous la mature disparaissent progressivement. Une photo de la fin du XIXe nous laisse encore les voir.
- « Aujourd’hui, ils ont pratiquement disparu ! »
C’est dommage, il y en a un qui avait à peu près la même expression qu’un des personnages accablé du Jugement Dernier de Michel-Ange.

Si vous ne connaissez pas Théodore Géricault, il faut savoir qu’il n’a pas eu la chance de vivre bien vieux, il est décédé des suites d’un accident de cheval, il est de la même génération que Delacroix, son ami qui figure sur le radeau ; c’est lui qui est étendu au premier plan. La légende dit qu’il a été rajouté par la suite avant que le tableau ne soit présenté en exposition. Il est aussi de la même génération qu’Ingres.
Il meurt à 33 ans ; Géricault est un génie, qu’on se le dise.



- « Si on suit les dates importantes du radeau, ça donne quoi ? »


La Méduse échoue le 2 juillet 1816.
Le radeau dérive 13 jours.
La nouvelle est dans le journal le 8 sept 1816.
En novembre 1817, deux rescapés écrivent un ouvrage qui fait sensation.
En 1818, Géricault se met au travail. Il y travaille 18 mois.
En août 1819 le tableau est exposé, le peintre a 27 ans.

Dans la gazette de France le 30 août 1819 un journaliste écrit:
«… Point de figures principales, points d’épisodes, tout est ici hideusement passif ; rien ne repose l’âme et les yeux sur une idée consolante ; pas un trait d’héroïsme et de grandeur, pas un indice de vie et de sensibilité ; rien de touchant, rien d’honorable pour l’humanité morale ;
On dirait que cet ouvrage a été fait pour réjouir la vue des vautours. »





À l’époque ce tableau a rebuté les visiteurs bien autant que le texte des rescapés. J’ai pourtant essayé de vous montrer que ce n’était pas vraiment un tableau aussi réaliste que ce journaliste vient de l’écrire.

Post-scriptum : pour en savoir un peu plus sur « le Radeau de la Méduse », consultez le « Textes & Documents pour la Classe » consacré à ce tableau ; c’est excellent ! Je n’ai rien vu de mieux sur le sujet pour aborder le sujet avec une classe. Il y a beaucoup de croquis et d’images.
J’ai assisté à la présentation de ce tableau par un stagiaire responsable d’une classe de CM2, c’est bien d’aborder ce tableau avec une reproduction, mais c’est mieux de profiter d’un voyage à Paris et de s’asseoir devant l’original, c’est ce que fait ma femme avec ses CM2 depuis 10 ans!
Le Radeau de la Méduse est une belle image peinte, intransportable pour une leçon d’Histoire et d’Histoire de la peinture.

7 commentaires:

evariste.h a dit…

étant l'auteur du dossier "le radeau de La Méduse" paru dans "textes et documents pour la classe", je précise que ce dossier a été publié dans le n°593 de TDC et qu'il date donc d'octobre 1991.
A cette époque j'avais publié chez Actes Sud "la véridique histoire des naufragés de La Méduse". Ce livre étant épuisé j'en ai écrit un autre dont voici les références :
Michel Hanniet " Le naufrage de La Méduse, paroles de rescapés" éditions "ancre de marine" . Publié en Octobre 2006, cet ouvrage de 495 pages constitue le récit le plus complet jamais publié. Il contient de nombreux inédits et corrige les inexactitudes et les préjugés racistes contenus dans la trop célèbre relation "arrangée" par Corréard.
(La bibliographie du travail de recherche effectué par Michel Hanniet recense 182 titres d'écrits et d'œuvres diverses suscitées ayant le naufrage de La Méduse pour sujet ou source d'inspiration).

Gilbert GilbR VILLEMIN a dit…

Evariste H.

Je viens seulement de lire votre précision.
Aviez-vous essayé de me le dire par messagerie?
comment l'auteur de ce Texte et Document s'est-il retouvé sur mon humble petit blog qui ne fait que prolonger les bons articles des maîtres de la question.
j'espère ne pas avoir trop dit de bétise dans mon chapitre?

gilbert Villemein , l'auteur compilateur de cet article blog.

Pierre-M a dit…

Bonjour,
j'ai beaucoup apprécié votre article analysant Radeau de la Méduse. Je m'en suis inspiré dans l'analyse que j'ai publié ici :
http://pterodaxtyle.free.fr/en-regard/index.php?post/Meduse
(en citant mes sources)

Bien cordialement,
Pierre-Emmanuel

Anonyme a dit…

je ne comprends pas la photo avec certains visages cerclés en rouge ...

votre texte comporte quelques fautes d'orthographe,

mais j'aime bien son style,

bien à vous,

emmanuel

Ugo Mangin a dit…

Bonjour je cherche de toute urgence à entrer en contact avec Michel Hanniet qui je vois a laissé un commentaire sur cet article. Si vous voyez ce message pouvez vous me contacter. Voici mon mail: ugo.m9@hotmail.fr
Cordialement
Ugo Mangin

Anonyme a dit…

Bonjour,

j'ai un devoir en Art sur ce tableau et voici quelques questions auquelles je ne trouve pas de réponse :

1.Identifiez et décrivez les diff. plans et parties de cette oeuvre.
2.Intéret historique de cette oeuvre
3.Aquel courant artistique provient-elle ?

Merci de m'aider ...

Anonyme a dit…

je connais le courant; c'est le neocassicisme.
Mai spour le reste desole :(