vendredi, décembre 29, 2006

Kandinsky / Abstraction









Wassily Kandinsky, (1866-1944).


…est le premier artiste au monde à peindre une oeuvre "qui ne représente rien".



Il est né en Russie dans la deuxième moitié du XIXe siècle et il est mort presque à la fin de la seconde guerre mondiale en France.
Il a eu des ennuis avec les guerres et les révolutions ; il a été obligé de changer de pays plusieurs fois.
Mais, c'est lorsque qu'il vivait en Allemagne qu'il a peint ses premières oeuvres abstraites. À Munich.



"Abstraite" veut dire "qu’il ne peint pas des choses qui existent", "on ne reconnaît rien dans sa peinture", on ne peut donner un nom à rien.
Le terme "abstrait" n'est pas très facile à comprendre ; on peut dire aussi "non-figuratif", mais, on comprend peut-être mieux si on dit "qui ne représente rien".
Quand on est grand on dit; "peinture abstraite ", alors autant le dire maintenant.
Pourtant, longtemps Kandinsky a peint des choses vraies de la nature, puis il a décidé de ne peindre ni fleurs ni chevaux ni maisons ni même les gens.



Voici une anecdote amusante racontée par Kandinsky:



« J’ouvre la porte (de mon atelier), et je me trouve en face d'un tableau d'une grande beauté. Qui a pu peindre cela ? J'étais troublé par cette peinture.
Je ne réussissais pas à reconnaître quoique ce soit ; il n'y avait que des tâches lumineuses de couleurs mélangées, ça me plaisait beaucoup.
Qui a pu bien déposer cette peinture dans mon atelier ?
C'est quand je me suis approché tout près que j'ai reconnu ma peinture d'hier qui avait été posée sur le côté par la femme de ménage (faire le mouvement avec une feuille blanche) ».

Depuis ce jour, Kandinsky n'a plus eu envie que l'on reconnaisse quelque chose dans sa peinture. Mais on peut toujours reconnaître quelque chose si on y tient... Dans les nuages on peut toujours voir des têtes alors qu'il n'y en a pas.
Mais on peut aussi tout simplement regarder les nuages parce qu'ils sont beaux; ils ont des belles formes, ils ont des belles couleurs.

Kandinsky parle de ses peintures :

« Ce tableau mystérieux sur lequel je ne vois que des formes et des couleurs est incompréhensible, mais je suis sûr qu'il est bien comme ça, je ne dois pas peindre des objets, je pense même que ça nuirait à ma peinture si l'on en reconnaissait. »

Kandinsky est le premier peintre qui s'est demandé pourquoi depuis toujours, depuis la Préhistoire, on peignait ce que l'on voit dans la nature ; les paysages, des objets, les gens.
Il a essayé de nous faire comprendre qu'on peut peindre des taches rouges sans que cela soit des tomates, peindre du vert sans que cela soit de l'herbe !

Kandinsky pense que les couleurs pures et les formes ont un effet sur notre humeur, notre joie, notre chagrin.
Il dit aussi que les couleurs c'est comme de la musique ; "un rouge vif peut nous impressionner comme une sonnerie de clairon".
"Le bleu pur nous calme. Quand il devient un peu noir, il devient un peu triste. Lorsqu'il devient plus clair, quand on y ajoute du blanc, le bleu semble très loin et il ne nous impressionne plus du tout. »

À treize ans, Kandinsky achète avec ses économies sa première boîte de couleurs et il a l'impression qu'il possède des êtres bien rangés dans sa boîte qui sont capables de faire bien des choses différentes et surprenantes.
Il a presque cinquante ans en 1910 quand il a le courage d'exposer ses premiers essais de musique colorée et ce sont les premiers exemples "d'art abstrait" au monde.
Cela fait presque 100 ans qu'il a peint cette première toile abstraite ! Quand on regarde des photos des peintures de cette époque-là, on croirait qu'elles ont été peintes par quelqu'un de jeune et de dynamique qui vivrait aujourd'hui.
Plus tard, en Allemagne, Kandinsky a peint de manière plus géométrique, puis les dernières années de sa vie, en France, il a peint des formes molles, comme celles qu'on pouvait découvrir à l'époque dans un puissant microscope.
Ce ne sont pas ses deux périodes de peinture les plus folles de couleurs; il faisait de la géométrie en couleurs.
Alors que quand il était à Munich, il était beaucoup plus décontracté !
Il n'utilisait pas du tout la règle, l’équerre et le compas, il peignait au pinceau sans se préoccuper de savoir si ce qu'il faisait était droit ou non, il mélangeait beaucoup les couleurs, il les brouillait, il les superposait, mais elles restaient très belles. On ne peut pas compter toutes les nuances de couleurs utilisées par Kandinsky sur une toile de cette époque-là tellement il y en a. On ne peut pas décalquer une peinture de Kandinsky parce qu'on ne voit pas les contours des couleurs, et c'est tant mieux !



« L'oeil est le marteau qui frappe la peinture que l'on a déposée sur le papier, l'intérieur de la tête c'est l'instrument de musique à cordes qui vibre. C'est dans la tête que les formes et les couleurs nous chatouillent, nous enchantent. »
Pour Kandinsky : « peindre une oeuvre c'est comme créer un monde. »
N.B : Les citations de Kandinsky sont toujours remaniées !



Kandinsky le magicien des formes et des couleurs.


Prendre une feuille de format A3, (le format A4 et sans doute trop petit.)
« Au crayon, tracez un cercle d'environ 10 ou 15 centimètres de diamètre à peu près au centre de la feuille.» Cette opération doit être rapide, elle ne se nécessite pas de précision, un gabarit genre couvercle peut faire l'affaire.
« Je vais vous dicter un certain nombre de formes à dessiner à l'extérieur du cercle... »
Il y a suffisamment de marge à l'extérieur de ce cercle tracé au crayon.

« Une étoile molle à cinq branches. Une coquille d'escargot. Une fenêtre à neuf carreaux. Un triangle qui va éclater, (il est bombé). Un arc épais avec sa corde fine. Une pince de homard. Un fromage entamé. Le bois d'un lance-pierre, autrement dit, un Y majuscule. Une pomme de terre. Un pont à deux arches. Une queue d'écureuil. Un morceau de corde. Un petit drapeau triangulaire à trois couleurs. Une faux sans le manche. Une assiette à dessert vue du dessus. Une poignée de placard. »

Peu importe la place où les enfants disposent les formes et peu importe la grosseur des formes des objets dictés.
Cela doit être amusant pour l'enfant de se faire la représentation mentale de l'objet décrit.



Si cette dictée ne vous convainc pas, vous pouvez dessiner vous-mêmes les formes et distribuer une photocopie par enfant.
La photocopie a quelques inconvénients et quelques avantages.
Avantages : le travail est purement visuel, il ne met pas en action la compréhension abstraite des formes. Par exemple : un triangle isocèle, une étoile de mer molle... Mais, avec une photocopie, vous gagnerez du temps pour la composition, pour l'organisation.
Inconvénients : les enfants auront tous les mêmes formes de départ, mais, tout changera lorsque le travail sera fini, puisqu'ils seront amenés, à changer les tailles et à encastrer les formes de manière très différentes.
Commencez à nommer les différents objets, à une certaine vitesse, tant pis si cela gêne ceux qui réfléchissent beaucoup et qui travaillent lentement.

La liste peut-être plus courte, plus longue ? Vous pouvez inventer d'autres formes simples:
«Une lame de sabre, un trèfle à quatre feuilles, une queue-de-poisson, deux cerises attachées, une cravate, une roue de vélo, une croix carrée large, un diamant à facettes, un grain de haricot... »
Il est indispensable de remplacer certaines formes par d'autres pour le cycle 1 et 2, en revanche, il serait judicieux d'en donner des compliquées pour le cycle 3, et notamment des "formes non fermées", comme la moitié supérieure d'un croissant de lune.
Lorsque la dictée et terminée, vous pouvez leur faire constater qu'ils ont tous mis les formes l'une à côté de l'autre autour du cercle, sans ordre et qu'aucune forme ne passe par-dessus l’autre, ne se superpose. Ils les ont souvent dessinées petites. Dites que cela est tout à fait normal puisque vous ne le leur aviez rien dit...

« Vous allez devoir ranger tous ce désordre dans le cercle pour ne pas être grondé par le maître magicien.»
Cela peut les intriguer.
Si vous avez une autre idée n'hésitez pas.
Vous allez raconter une histoire. Il faut que le travail que vous allez leur proposer ait du sens, Il faut donner un intérêt au travail.

« Vous regardez le hall d'entrée d’un magicien par un petit trou dans le plancher de votre chambre située juste au-dessus.
Il y a une table ronde en plein milieu du hall. La table c'est votre cercle, le hall c'est votre feuille. Toutes les formes que vous avez dessinées sont des objets qui sont tombés au sol. Ce sont les chatons du magicien qui ont fait les dégâts.
Les chatons sont montés sur la table, ils ont bien joué, ils se sont un peu énervés, ils sont partis quand tout était par terre. Heureusement rien n'est cassé !
Auparavant tout était bien organisé sur la table, c'est le magicien qui avait tout bien rangé pour faire un tour de magie. Maintenant tout est au sol, en désordre.
Ça serait bien de remettre de l'ordre sur cette table avant que le maître magicien ne revienne.
Sur la table, il y avait de très gros objets, il y en avait des petits, il y en avait des moyens, ils se touchaient, certains se superposaient. Il n’y a pas beaucoup de place, il faudra les mettre les uns dans les autres, les uns sur les autres. »

Il faut peut-être imposer la taille de certains objets pour débuter. Par exemple : le grand Y doit toucher la table à trois endroits. L'étoile doit être installée dans le plus gros compartiment formé par le Y. Il est nécessaire d'imposer l'installation des deux premières formes, cela permettra, imposera ! La superposition, le chevauchement, l'entremêlé.

Puis ; « Il y avait de la couleur dans cette chambre, où sont-elles? Elles doivent revenir ! » S'écrie le magicien en entrant.
« C'est à vous les enfants de vous en occuper ! » Dit la maîtresse. « Mais vous n'êtes pas encore des magiciens spécialistes en couleurs. Alors il va falloir faire attention !
Il ne faut pas utiliser trop de couleurs, ça serait trop compliqué… Prenez des couleurs qui se ressemblent un peu…
Par exemple ; le vert, le bleu, violet au feutre, les mêmes couleurs au crayon de couleur. 3 ou 4 crayons feutre et 3 ou 4 crayons de couleur.»
Autres exemples ; le jaune, orange, le rouge. Le rouge, le violet et le bleu.
« C'est difficile de peindre avec beaucoup de couleurs, il faut être un spécialiste... Et vous n'êtes pas encore magicien. »
Faites que les couleurs soient brassées, brouillées et mélangées...
Si vous n'êtes pas sûrs de vous, laissez-les colorier les formes comme ils le souhaitent. Et, intervenez auprès d’eux individuellement, c'est très efficace, mais très fatigant !
Précisez les erreurs que vous avez détectées: « tout le monde colorie les cases les unes après les autres, sans mélanger les couleurs, sans oser superposer le crayon de couleur sur le feutre. »

Dans le cercle, il doit y avoir des zones très claires, presque blanches, à peine teintées et des espaces beaucoup plus foncés, sombres, presque noir.
À la fin, les tables rondes peuvent être découpées ou non. Collez-les peut-être sur un papier carré noir, puis, exposez-les.

lundi, décembre 18, 2006

Renaissance/ Perspective




















Dans le mot "Renaissance", il y a "Naissance" et "Re", le même "re" que "re-trouver", "re-faire". Le mot entier signifie, qu'il y a bien eu une naissance, mais qu’il a fallu "recommencer".


1- C'est en Italie qu’il y a la "naissance" avec les Romains vers les années zéro, et même avant, avec les Grecs.
2- Et, c'est en Italie que ça "recommence" dans les années 1400 ; c’est la Renaissance.
Les Italiens, eux, appellent cette époque le "Quattrocento" ; les années 1400. En français, on dit : le "Quinzième siècle". Le XVe siècle débute en 1400 et finit presque en 1500. C'est bien compliqué!
Pour nous, c'était il y a 600 ans.
Il s’est écoulé six cents hivers.
(Dessiner une ligne au tableau, et placer quelques dates à l’échelle.)
Au Quattrocento les Italiens découvrent que les Romains et les Grecs savaient tout faire bien avant eux et qu'il fallait reprendre leurs idées, donc, « réapprendre » ce qui était oublié, au cours des siècles, en cours de route...
C'est en fouillant le sol de Rome et en relisant les vieux livres grecs et romains (qui avaient plus de 1500 ans ! Donc de l'époque d’avant Jésus-Christ) … que les Italiens découvrent que leurs ancêtres savaient déjà beaucoup de choses. Ça a été oublié avant le Moyen-âge. Il fallait tout retrouver.

Avant la Renaissance c’était le Moyen Âge, qui n'était pas "Moyen", il était plutôt "Gothique" on en parlera une autre fois. Avant le Moyen Âge, c'était vraiment moyen.
Sans entrer trop dans l’histoire du Moyen Âge, il faut tout de même dire qu’à cette époque, la foi en Dieu était spectaculaire, aussi impressionnante qu’elle l’est actuellement à la télé quand on regarde une cérémonie à Lourdes, à La Mecque, ou sur le Gange.



Dans les années 1400 (au Quattrocento), aimer Dieu est très sérieux, mais l'Homme commence aussi à bien s'aimer lui-même, il peut en négliger Dieu.
L’homme de la Renaissance trouve que les corps des hommes, des femmes et des enfants sont beaux avec leurs muscles, leurs courbes, leurs yeux pétillants et leurs beaux vêtements.
Ce sont les peintres et sculpteurs qui vont montrer la beauté des corps à tout le monde et c'est grâce à eux qu'aujourd'hui nous avons des traces de la vie de cette époque-là, puisque, la peinture s'est bien conservée, et les sculptures en pierre sont en bon état.

Il faut aller au Musée du Louvre pour voir toutes ces oeuvres; les Français en ont beaucoup rapportées d'Italie en les payant ou en ne les payant pas du tout.
Mais bien sûr, il y a encore plus de peintures et de sculptures de la Renaissance en Italie, à Florence, à Venise, à Rome, et dans bien d'autres villes... C'est incroyable la flopée d’artistes qu’il y a eu à cette époque-là dans chaque ville ! …Un peu comme les footballeurs de notre époque.
Certains peintres étaient célèbres, on connaît Zidane, Michel-Ange et Léonard de Vinci, mais il y en a beaucoup d'autres..., des centaines.)
La "Renaissance italienne" n'est pas qu'une histoire de peintures et de sculptures, c'est aussi un nouveau départ en architecture, en cinéma, en littérature, en poésie, en sciences, en tout.
(... Pour Zidane et le cinéma c'est une blague, un anachronisme ; il faudra attendre encore cinq siècles, 500 vacances d’été, avant de voir Charlot et Mickey sur les murs et Zidane dans un stade.)


Les images du MOYEN-ÂGE.


Avant 1400, (un peu avant la Renaissance) il n'y avait ni télé, ni cinéma, ni photographies sur les murs, seulement la peinture qui est surprenante pour nous aujourd'hui.

Voici trois surprises:
1- Les ciels sont en or.
2- Les têtes des personnages importants sont entourées d'une assiette en feuille d'or qui coûte cher.
Le ciel n'est donc pas bleu ciel comme nous savons qu'il est en réalité, mais de couleur "or" ; ce n'est pas le ciel de notre planète, et ce ne sont pas des gens de la terre qui habitent là.
3- Troisième surprise, ces gens-là peuvent avoir des ailes, ils ne sont vraiment pas d'ici, ils sont de la planète Paradis..., personne n'en est revenu pour savoir comment c'était. Les peintres font comme s’ils y étaient allés. En fait ils peignent ce que leur demande le Pape et comme ils ont beaucoup d'imagination, ils imaginent bien; ils peignent les anges bleus, rouges et jaunes. Ils les entassent les uns sur les autres comme des perroquets sur un fil télégraphique qui voudraient tous être sur la même photo autour d’un homme important.



À la Renaissance, après 1425 ( avec Masaccio) le ciel devient bleu ciel, mais ça s'est fait progressivement.
Ce n'est pas du jour au lendemain que les peintres se sont dit :
« À partir d'aujourd'hui nous peindrons le ciel bleu ciel... Ou gris s'il fait gris... Il ne sera plus jamais couleur "or" puisqu'il n'est jamais en "or" sur terre. Avec l’or, on se fera des bijoux ! »

Mais, ces petits changements sont encore peu de choses; la Renaissance c'est bien plus fort que ça, c’est plus fort que de passer de l'or au bleu, ils vont inventer la "perspective", c’est difficile à dessiner, mais c’est super !



Au Moyen Age quand on regardait une scène peinte sur un mur dans une église, on voyait bien que c'était un mur dur : Tonk ! Tonk !
Personne ne disait : «Tiens ! Il y a déjà douze personnes dans cette salle qui sont en train de tout manger, si je ne me dépêche pas d’aller à table, je n'aurai plus que les miettes. »
Ils disaient plutôt : « ces douze bonshommes me font penser aux apôtres qui mangeaient avec Jésus, je les respecte. »
Ils ne pensaient même pas qu'ils étaient tous aplatis comme des crêpes sur le mur. Les visiteurs de l’église ne risquaient vraiment pas de se cogner contre le mur en voulant s'installer à la table, ils n'y croyaient pas une seconde, mais cela leur faisait beaucoup réfléchir à Jésus, au Christ (Jésus ou Christ, c’est le même homme.)
Et, puisqu'ils étaient très croyants ils étaient treize zémus en pensant à lui.



« Et si on n’était pas croyant ? »
À l'époque là ce n'était pas possible d’imaginer qu'on puisse ne pas croire en Dieu.
À notre époque, on peut croire à toutes sortes de Dieux, on peut même ne croire à aucun, et ne connaître ni l'histoire de Jésus ni celle d'Allah ni celle de Bouddha, etc. Du coup, ça embrouille encore plus. On ferait bien d'apprendre un peu quelque chose sur toutes ces religions !
Quand on n'y connaît rien, on se demande ce que font douze bonshommes réunis autour d'une table. On ne peut pas deviner que c’est la bande à Jésus, on peut seulement dire:
« Préparent-ils une affaire louche ? »

Avant, pendant et après la Renaissance, les peintres continuent à raconter :
1- Des histoires de Jésus, de sa mère Marie, de ses amis les Apôtres, qui habitent au-delà du ciel (au Paradis nuageux ou au Purgatoire, la salle d’attente).
2- Des histoires de démons du dessous la terre (l'Enfer volcanique qui fait peur.)
3- Mais aussi des histoires de Zeus et de sa famille qui font la pluie et le beau temps là-haut. N’en parlons pas sinon ça complique encore plus, plus personne n’y croit, mais ils aiment cela.

Les thèmes des images ne changent pas en Europe pendant presque 2000 ans.

Les images de LA RENAISSANCE.


Ce qui change à la Renaissance, par rapport au Moyen-âge, c'est que les Saints ne flottent plus dans l'espace comme s'ils étaient en l'air (en apesanteur) ; ils sont souvent posés sur un sol en carrelage froid flanqué de colonnes bien arrangées sur les côtés. Ils ont une ombre à leurs pieds, ils donnent l'impression d'être de vrais hommes avec de belles auréoles sur la tête, portées comme des chapeaux chinois. On voit bien que les personnages sont lourds comme des bonshommes en chair et en os; ils ne donnent plus l'impression d'être découpés dans le carton.
Néanmoins, quand on regarde bien, on se dit que les personnages n'ont rien à faire ensemble, on croirait qu'ils ne se voient pas, qu'ils s'ignorent; on pourrait les changer de place, ça donnerait la même chose…, comme des pièces sur un jeu d'échecs.

Au début de la Renaissance, si on est très bon observateur, on peut trouver deux ou trois fois le même personnage important sur la même image.
Le peintre faisait une bande dessinée sans séparer les vignettes comme on le fait aujourd'hui. Quand les vignettes ne sont pas séparées, il faut bien connaître l'histoire avant pour la suivre! Sinon on peut croire qu'il y a des jumeaux ou des triplés dans l’histoire, (Saint Pierre est présent trois fois dans "Le Paiement du Tribut" de Masaccio)..
Aujourd'hui, peu de gens connaissent bien l'histoire des Saints et de Jésus, alors ils devinent les histoires les plus connues. Mais, la plupart du temps, ils mélangent tout, ce qui dégoûte de regarder les images de cette époque.


Essayons de regarder une peinture très connue :

Une ANNONCIATION.




Vous voyez un bel ange avec des ailes magnifiques bien habillé qui fait de drôles de signes de la main à une jeune fille occupée à faire semblant de lire. Au-dessus de la jeune fille voltige une colombe qui semble descendre du ciel avec un fil d'or.
Résultat de l’enquête : c'est un messager du ciel qui vient annoncer à Marie qu'elle va avoir un fils qu'elle appellera Jésus.
Cette histoire a été peinte des centaines de fois !
Poursuivons l’enquête.
Marie n'est pas super contente, elle ne saute jamais au plafond, c'est une jeune fille comme les autres, mais elle est O.K pour être la Maman d'un fils célèbrissime, elle incline la tête et baisse les yeux.
Jusqu'ici on peut tout comprendre, mais tout de même ! ce n’est pas commun qu'un messager du ciel atterrisse pour annoncer la naissance d'un Sauveur. Mais si !
Mais bon, avec Cendrillon, Harry Potter, la Guerre des Etoiles, on voit des choses plus compliqués.
Là où ça s’embrouille dans l’histoire de la jeune Marie, c'est quand, devant la porte de sa chambre, on trouve une "courge" et une "pomme" . C'est difficile à comprendre pourquoi c’est là ?



Et pourtant, c’est plus simple à admettre de repérer une pomme et une courge sur le seuil d’une porte qu’un ange aux ailes multicolores qui fait le pied de grue devant la porte !
Oui ou non ?
À l'époque ils savaient tous pourquoi tout cela ( l’ange, la courge et la pomme) était devant la porte,
On connaît la pomme d'Eve qui explique le péché (la première désobéissance des hommes).
« … Mais la courge? » interroge le détective.
Il y aura des détails de notre époque que nos descendants ne comprendront peut-être plus.
« les panneaux de signalisation routière »
« Alors la courge ? »
« la courge, c'est pour dire que le Christ n'est pas vraiment mort même après le coup de lance qu’il a reçu en plein cœur sur la croix. Ce légume placé devant la porte veut exprimer qu’il ressuscitera alors que Jésus n'est pas encore né. C’est complexe, mais c’est exact. »
Il faut arrêter l’enquête …

…Et parler de LA RENAISSANCE.


Les artistes de la Renaissance se sont demandés si la géométrie ne pourrait pas les aider à comprendre comment peindre une vraie maison, celle de Marie, par exemple. Comment la dessiner en volume sur le papier plat.
Est-ce si simple que cela de dessiner une maison qui ne donne pas l’impression d’être de travers comme au Moyen âge ?
C'est beaucoup plus facile de la construire avec des pierres que de la dessiner sur une feuille de papier !
Les maçons savent depuis longtemps construire une maison en pierres, mais les peintres n’y sont arrivés qu’à la Renaissance.
On pourrait croire que ce n'est pas une difficulté d'aplatir une maison sur du papier : c’est le cas aujourd’hui, mais c'est parce que les hommes de la Renaissance ont réussi à le calculer, depuis nous faisons comme eux.
Regardons la boîte d'emballage en carton d'un téléviseur et essayons de la dessiner sur du papier.
Essayez !

Ce n'est pas facile...
Même avec une règle, il y a des lignes injustes.
Il y a des lois mathématiques; c’est l’Italien Alberti qui a écrit petit à petit le livre qui a aidé les peintres, mais ça n'a pas été facile, les Grecs et les Romains n'y sont jamais arrivés, ils mélangeaient tout, ils s’y sont cassés les dents.
1- Cependant, certains peintres pensaient que c'était un problème trop énervant qui les empêchait de peindre religieusement, alors ils continuaient à tout aplatir comme au Moyen Age. (Fra Angelico.)
2-D'autres peintres, au contraire, n'en dormaient plus de la nuit tant ils essayaient de bien dessiner avec ce système très compliqué de règle, d’équerre, et de compas. (Piero de la Francesca.)



On appelle ce système : LA PERSPECTIVE.

Le mot peut faire peur.
En latin le mot fait moins peur, il signifie : "voir à travers."
Mais, c’est plutôt "voir sur du papier", donc, "voir la réalité sur du papier".

La perspective c’est la façon de dessiner un vrai objet (en volume) sur le papier (qui est plat) ; l’objet semble déformé.

Les peintres de la Renaissance sont des fous de géométrie.
Ils ne veulent pas dessiner une guitare comme Picasso, qui lui la dessine trop vite en pièces détachées sur une table.
Mais Picasso n'est pas encore là! … Dans cinq siècles seulement …Alors on n’en parle pas.
Oui mais, comme nous sommes au bout de l'échelle du temps, nous pouvons tout connaître et tout mélanger, et ne plus rien comprendre aux problèmes d'un peintre de la Renaissance qui lui, s'énervait à comprendre comment dessiner une guitare (luth) avec un compas et une équerre.
Regardons un peintre au travail:
Il pose un luth sur une table puis il ferme la porte et il l’observe par le trou de la serrure avec un seul oeil.
On ne doit pas regarder avec les deux yeux, ça c'est une trouvaille de la Renaissance ; le peintre décide que son regard sera celui d'un cyclope, c’est ce qui se passe lorsqu’on regarde dans un appareil photo d’aujourd'hui. Pour dessiner, les deux yeux ne servent à rien, il faut décider lequel on prend, ça dépend si on est gaucher ou droitier. (Faire le test de "l'oeil directeur*".)

Le peintre observe bien l'instrument de musique par le trou de la serrure, mais il ne le voit que d'un côté, il ne le voit pas entièrement, c'est normal. Il ne peut pas le changer de place puisqu'il est derrière la porte.
Il essaye de le dessiner tel qu'il le voit, c'est difficile.
Il essaye de le dessiner "tel qu'il le voit" et non pas "tel qu'il s'en souvient", il n'est pas Picasso qui s’amusait quand il dessinait.
Le luth est à dessiner méthodiquement, pas très amusant. Le peintre de la Renaissance a besoin d’un fil à plomb et d’un niveau à bulle pour dessiner ce qu'il voit.
Le peintre a oublié de fermer la fenêtre !
Par le petit trou de la serrure, il voit l'instrument de musique sur la table, il voit aussi par la fenêtre ouverte qui est derrière la table. Il aperçoit un grand arbre au loin..., qui est tout petit, plus petit que le luth qui est près de lui, sur la table..., il se demande pourquoi, il devient gaga.
Il se demande s'il ne rêve pas :
"Ce n’est pas un bonzaï tout de même ? "
Alors il dessine l'arbre avec le luth, mais, sur le dessin, on ne comprend pas ce qu'ils font ensemble...
C’est ça la perspective : "c'est regarder à travers un petit trou…, et dessiner."
Tout est bizarre quand on y pense et quand on regarde bien . Une fenêtre rectangulaire devient trapézoïdale, mais le cerveau en prend l'habitude, il ne nous le rappelle pas souvent.
Le peintre qui dessine essaye de ne pas se faire piéger par son cerveau qui corrige tout naturellement.
Quand il a fini sa peinture, et qu'il retourne dans la vraie vie, ses yeux se relâchent : Les gens tout petits ne sont pas des Lilliputiens, ce sont des gens comme les autres qui marchent au loin.

Rendons une feuille de papier magique.

Prenez une feuille blanche A4.
Demandez-vous : « Peut-il y avoir ma chambre là-dessus ? »
Tournez- là dans tous les sens.
Regardez une photo de votre chambre. C'est bien votre chambre, mais vous ne pouvez pas dormir dedans !




Une photo, on y croit, ce petit bout de papier vous fait penser à votre chambre, vous voyez un lit. Vous vous souvenez, qu’il est confortable.
Une feuille de papier peut devenir magique si on y dessine sa chambre.
Dessinez trois lignes au crayon (ou regardez le croquis ci-joint) :
- Première ligne ; tracez sans appuyer une verticale qui part du haut ( au tiers en partant de la gauche.)
- Deuxième ligne ; tracez une horizontale (au tiers, sur le côté droit en partant du bas).
Constatez que les deux lignes se croisent ; gommez les deux bouts de ligne en bas à gauche, il reste un rectangle.
- Troisième ligne ; dessiner l'oblique qui joint l'angle en bas à gauche de votre feuille avec le point de jonction de l'horizontale et de la verticale.
Magie ! Vous venez de dessiner l'intérieur d'une salle. Une grande ou une petite salle, c'est comme on veut, ça dépend de la taille de la porte que vous allez y dessiner.
C'est ça la perspective !
Vous avez l'illusion que votre feuille de papier n'est plus plate comme un tapis, mais qu'elle peut contenir des objets, des meubles.
(Pour faire encore plus fort, vous pouvez colorier le côté gauche en gris foncé et le bas en gris clair. N'essayez surtout pas de faire des carrelages, vous allez tout rater ! Mais vous pouvez apprendre à le faire en regardant un livre de perspective qui en parle.




Essayons encore quelques petites choses.

À l'intérieur de cette salle, installez une affiche rectangulaire sur le mur d'en face : dessinez un rectangle.
Dessinez aussi une affiche sur le mur de gauche ; le rectangle se déforme, vous devrez dessiner un parallélogramme.
Si vous installez un tapis sur le sol, vous devrez aussi dessiner un parallélogramme, alors qu'on sait très bien qu’un tapis est rectangulaire !
Installez le carton d'emballage du grand téléviseur bien bloqué dans l'angle du fond.
Vous ne devez avoir que trois types de ligne ; des horizontales, des verticales et des lignes à 45 degrés.

vendredi, décembre 15, 2006

Pierre Alechinsky/ Pinceau.




Pierre Alechinsky a un peu changé sa façon de peindre depuis qu'il est Cobra.

Pierre Alechinsky est né en 1927, l'année où le cinéma devint parlant.
La peinture et un art muet. "Nous travaillons à écrire des histoires muettes"



Il y a tellement d'images de nos jours qui parlent trop, la télévision par exemple. Trop d’images bruyantes qui ne sont pas faites avec des pinceaux… devant ses images Alechinsky a envie de rester muet comme une carpe et de peindre. Ses peintures sont quelquefois un peu comme des bandes dessinées sans bulle, il nous laisse entendre ce que l'on veut de la musique ou du silence.



Cobra aime le jazz. Le jazz a été une passion pour tous les artistes de Cobra. Ils y ont trouvé la spontanéité qui est demandée par le mouvement.

"Le jazz, a été notre passion à tous, on n'en a eu besoin pour vivre.".
Pierre Alechinsky dit que le musicien de jazz est souvent comme le peintre Cobra ou le poète Cobra, il ne suit plus ce qu'il doit faire…, il improvise.



Alechinsky a un geste d'écrivain quand il peint : on croirait qu'il écrit avec un pinceau comme les Chinois et les Japonais. Il a un long pinceau qu'il tient à peine par l'extrémité. Il utilise de vrais pinceaux chinois, qui sont vraiment beaux.
Comme il tient à peine le pinceau, il est obligé d'effleurer le papier et de le survoler. Il n'appuie pas sur son pinceau, d'ailleurs cela abîmerait le pinceau.
Un pinceau c'est fragile, il ne faut ni l'écraser, ni le faire tremper debout dans un pot d'eau, ni le laisser sécher avec sa peinture, il faut bien le nettoyer avec du savon dans le sens des poils, puis le rincer plusieurs fois. Alechinsky ne travaille qu’avec un pinceau qui laisse une trace très délicate ou très large suivant son envie.
Alechinsky déroule son trait noir comme un long serpentin cobra.
Il aime les écritures de tous les pays, mais il préfère l'écriture des pays asiatiques.
Il aime regarder une écriture dans un miroir, quand on ne comprend plus ce qu'elle veut dire, là, elle devient étonnante est belle. C'est un gaucher que l'on a obligé à écrire de la main droite, du coup, quand il peint, il part de la droite vers la gauche pour se venger (faire les deux gestes).
Alechinsky peint souvent sur de grands papiers au sol. Il aime choisir les papiers, il en a beaucoup, il a une préférence pour les vieux papiers imprimés qui ont déjà servi, des vieilles factures, des cartes routières, des cartes de géographie.



Pierre Alechinsky débute toujours de la même manière :


• Avant de peindre, du bout des doigts, Alechinsky mime en l'air les dessins qu'il va faire (faire le geste).
• Il répète les lignes avant de les inscrire à l'encre de Chine sur le papier.
• Il finit par les tracer.
• Il remplit les surfaces avec de l'encre.
• Pour les noirs, il laisse sécher.
• Mais pour les gris, il lave la feuille au robinet avant que l'encre ne soit sèche.
• Quand il a fini, il encolle l’envers de la feuille de papier.
• Puis, il le colle (il maroufle) en plein milieu de la toile, il lui reste une grande marge tout autour comme une marge de cahier mais tout autour du dessin collé.
• Il commence à faire des petits signes très soignés avec de la peinture acrylique dans la marge qui fait le tour de son dessin collé.
• Il fait des dessins ou de l'écriture ?


Alechinsky fait virevolter son pinceau en changeant régulièrement les couleurs, mais attention ! Il ne tourne pas qu'une seule fois autour de la marge, il passe dix ou vingt fois en déposant à chaque fois des couleurs très différentes.
Voyez comment il faut tenir le pinceau pour qu'il voyage.
Lorsque Pierre Alechinsky peint une ligne au pinceau il laisse la trace d'un patineur qui se déplace.
Au début il joue à faire des lignes comme des lacets des chaussures, puis il remplit certaines surfaces quand les lignes se croisent, il peut aussi faire des séries de hachures puis, tout devient très serré mais on voit encore la couleur du fond qui n'est plus blanche, la marge colorée met en valeur le dessin qui est heureux au milieu.



"L'écriture c'est du dessin noué autrement"Jean Cocteau.

"Écrire et dessiner sont identiques en leur fond."Paul Klee.

Cobra / Exubérance / Férocité.













Cobra !




Quand plusieurs peintres se rassemblent pour travailler ensemble ils prennent un nom de groupe, comme en musique.
Par exemple, les Beatles en 1960.
En poésie, les Dadaïstes en 1916.
En peinture, en 1948, le groupe Cobra.
Plusieurs artistes des pays du Nord de l'Europe se sont rassemblés juste après la seconde guerre mondiale. Ils n'ont pas voulu entrer dans les autres groupes qui existaient déjà, ça ne leur convenait pas. Ils ont donc inventé le groupe Cobra.

Le nom Cobra provient de la réunion des premières lettres de Copenhague, Bruxelles et Amsterdam:
CO-BR-A.

(Ce sont trois villes que l'on trouve l'une au Danemark, l'autre en Belgique et la dernière en Hollande.)
Ils auraient pu écrire COBRAM en prenant les deux premières lettres de chaque ville..., mais ils ont préféré COBRA.
C'est le hasard si le début de ses trois villes forme un autre mot, le nom d'un serpent. Il y a d'autres serpents; le piton, la couleuvre, la vipère, le boa, le naja.
On appelle aussi le cobra ; "serpent à lunettes" à cause du dessin qui se forme sur sa drôle de tête quand il a peur. Cela a dû beaucoup leur plaire quand ils ont découvert que les lettres du début de leurs villes formaient ce mot.
Faut-il des lunettes pour peindre les courbes, les lignes ondulées, les arabesques?... toutes ces traces que laissent les serpents dans le sable ?
C'est sans doute pour cela qu'ils ont aimé et gardé ce nom de serpent.
Les artistes du mouvement cobra sont aussi poètes : ils aiment aussi bien les poètes que les peintres, les sculpteurs, les photographes, les cinéastes, les musiciens ; ils n’aiment pas que l'on fasse des différences entre les différents arts.


Quand on se rassemble en groupe, c'est que l'on a envie de travailler ensemble.
Les artistes du mouvement cobra souhaitaient retrouver l'énergie que l'on a quand on est enfant, quand on a peur de rien... La peinture n'est pas dangereuse, on ne risque rien, on peut y aller, on peut se déchaîner.
C'est ce qu'ils ont fait.
Ils ont peint de manière agressive, et sauvage. Ils ont essayé d'avoir des gestes désordonnés. Ils ont peint avec des couleurs violentes. Ils ont peint avec des couleurs très différentes les unes des autres, sans les mélanger.
Au début du siècle "les fauves" peignaient déjà comme cela. On les appelait ainsi parce qu'ils peignaient comme des animaux qui n'auraient pas pu mélanger leur peinture sur leur palette avec leurs pattes. Les fauvistes peignaient toujours des paysages et des portraits.

Cinquante ans se sont écoulés, la peinture de paysages, de natures mortes, et de personnages n'intéresse presque plus les grands peintres et surtout pas les peintres du mouvement Cobra.
La plupart des grands peintres de cette époque sont des peintres abstraits* ou surréalistes*, ça ne leur convient pas du tout non plus.
*Les peintres abstraits ne peignent que des formes et des couleurs pour le plaisir des formes et des couleurs
*Les peintres Surréalistes peignent des choses que l’on voit, mais, avec eux, elles deviennent bizarres.

Qu'est-ce qu'ils pourraient bien faire d'autre ?
Ils trouvent que tout le monde triche en peinture, que personne n'est vraiment sincère, ils aimeraient bien retrouver au fond d'eux-mêmes quelque chose qui appartiendrait à l'homme primitif, ils pensaient qu'on l'était toujours encore un peu.

Ils aiment bien quand même un peu la peinture abstraite et la peinture surréaliste, mais alors, il déteste la peinture réaliste que l'on trouve à cette époque, en Union soviétique ; c'est une peinture mensongère. On peut y voir des paysans et des ouvriers très heureux en train de sourire et de lever les bras au ciel pour dire qui veulent encore travailler plus. C'est de la peinture pire que les photographies qui, elles, ne peuvent pas tout cacher. En peinture, on peut inventer tout ce que l'on veut quand on a la technique.
Aujourd'hui on sait très bien que la vie en Russie n'était pas aussi belle qu'ils voulaient nous le faire croire avec leur peinture exagérée. Beaucoup de gens avaient faim, ils étaient sous la dictature de Staline qui envoyait beaucoup de monde en prison.
Quand on parle de politique on a l'impression qu'on ne parle plus de peinture, il ne faut pas avoir cette impression, quand on parle de peinture il faut parler de l'histoire du monde.


1948. La seconde Guerre Mondiale est finie depuis trois ans.
Les artistes du mouvement Cobra se rassemblent pour peindre des toiles que personne n’ose faire. Ils sont certains que les autres artistes se trompent :
1- ils ne veulent pas être des peintres abstraits trop sages.
2- ils ne veulent pas être des peintres du mensonge.
3- ils en ont marre de la peinture surréaliste bizarre commandée par un chef.

Et pourtant à cette époque les Surréalistes parisiens travaillent beaucoup ils sont connus dans le monde entier.

Les jeunes artistes du nord de l'Europe en ont marre que l'on ne parle que de Paris, ils veulent que l'on s'intéresse à eux parce qu'ils ont des idées des pays du froid.
Ils sont loin des légendes grecques et romaines qui parlent de soleil et des oliviers. Ils sont proches des légendes nordiques qui parlent de brumes, de forêts et de montagnes.
À Paris avec des artistes comme Miro, Picasso, Dali, on est en Espagne au bord de la douce Méditerranée.
Les artistes du mouvement Cobra veulent se rapprocher des mers froides du nord.
Ils veulent même réinventer la vie primitive de leurs ancêtres les Vikings.
Ils veulent tout oublier de la civilisation dans laquelle ils sont. Ils veulent oublier qu'il y a eu des peintres avant eux, alors ils peignent en gommant ce qu'ils connaissent ; c’est à dire la peinture de Léonard de Vinci, de Van Gogh, de Picasso...
Puisqu'ils font comme s'ils avaient gommé la peinture, ils vont être obligés de recommencer à zéro.
Et quand on commence par le début, il faut expérimenter.
Expérimenter ! Ça sera le mot le plus important du groupe de peintres Cobra.
Ils ne veulent plus que quelqu'un leur dicte tout ce qu'ils ont à faire.


Ce que veut faire Cobra est clair et simple, ils veulent retrouver les traces et l'énergie de leurs ancêtres (c'est ce qu'on appelle l'inconscient collectif). Et en cherchant bien, en expérimentant ! Ils veulent faire surgir une peinture (une culture particulière) qui est bien cachée mais qui est sincère. Ils aimeraient bien retrouver cette sincérité, cette authenticité.
Ils aimeraient bien que la peinture ne soit que le plaisir de la vue du toucher.
Ils ne regardent plus dans les livres, ils ne vont plus au musée et n'ont pas envie de savoir comment les autres peignaient avant eux. De plus, ils détestent ceux qui ont de l'argent et qui connaissent trop de choses qui les empêchent d'être libre de faire ce qu'ils veulent. En cela ils sont proches des idées communistes des Surréalistes, du coup, proches des Russes et ça, ça les embête beaucoup.

Leur façon de peindre a marché un bon moment, ils ont fait comme s'ils ne connaissaient pas les mélanges des couleurs, comme s'ils ne savaient pas qu'on devait rajouter de l'eau dans la peinture, ou au contraire ils en rajoutaient de trop et ça faisait des coulures. Ils aimaient bien les grosses couches de peinture qui faisaient comme des gros chewing-gums collés sur la toile, et la peinture à l'eau qui dégoulinait comme si on lavait un pare-brise de voiture. Leurs dessins et leurs peintures donnent l'impression qu'elles ont été faites dans le noir avec la main gauche tellement tout est désordonné. On peut même penser qu'ils se dépêchaient de peindre parce qu'ils avaient peur du noir.
Le résultat est sauvage.
On ne croirait pas que c'est quelqu'un d'adulte qui a peint cela, mais plutôt un sorcier barbouilleur qui se serait bien amusé en essayant d'entrer dans la peau d'un autre peintre.
Karel Appel prenait un pinceau dans chaque main, avec l’un il faisait des lignes et avec l’autre il s’occupait des couleurs, il faisait les deux actions en même temps.
Voici les trois mots qui expliquent toutes les oeuvres des artistes du mouvement cobra :
L'exubérance, l'humour et la férocité.



Les principaux artistes du mouvement Cobra sont Karel Appel. Asger Jorn. Pierre Alechinsky. Corneille. Constant. Nyholm. Egill Jacobsen. Christian Dotremont. Noiret. Pederson. Ejler Bille.

lundi, juin 12, 2006

Max Ernst / le feu follet.












. MAX ERNST le feu follet.




La première peinture Surréaliste !



C'est difficile de reconnaître l’oeuvre de Max Ernst (1891 /1976).

Si on avait toutes les œuvres les unes à côté des autres, ça ferait beaucoup, et l’on ne pourrait pas savoir que c'est la même personne qui les a faites, elles sont si différentes les unes des autres !

C’est sans doute pour cela qu'on aime beaucoup Max Ernst plus que d'autres peintres qui eux n'ont jamais changé leur manière de peindre de toute leur vie.
Lui, il a beaucoup changé de façon, de penser et de faire.

Max Ernst est comme une flamme. Il n'est jamais immobile, il change de style, il change de techniques… Il est obligé de changer d'endroit et de changer de nationalité : il est né en Allemagne, il est expulsé par les nazis, il passe par la France, il fuit le nazisme en allant aux États-Unis, après la guerre, il devient français. Il n'a pas la bougeotte, ce sont les guerres qui le chassent. À cette époque, beaucoup d'artistes allemands ont fait comme lui.


En 1921, c'est lui le premier qui peint un tableau bizarre (qu'on appellera "le premier tableau surréaliste").

Il peint un drôle d'éléphant avec un couvercle et de la tuyauterie. On ne croirait pas que c'est un éléphant, c'est plutôt une grosse cocotte-minute, ou une soucoupe volante trop lourde qui ne pourrait pas voler, au bout de la trompe il y a un masque de taureau.



C'est à partir de cette magistrale fessée que j'ai été certain que je n'aurais jamais plus la foi. J'avais 17 ans, j'étais fusilier-marin commando parachutiste, ça ne valait guère mieux!


Il étonna beaucoup ses amis avec cette image que personne n'avait jamais vue en peinture, il l'appelle "L'éléphant Célèbes*", je ne sais pas pourquoi. On croirait que ça veut dire l'éléphant célèbre..., il est célèbe maintenant, on peut le voir à Londres.

(*Il y a des îles qu'on appelle les îles Célèbes. Ça c’est vrai !)

Quand il devient champion de sa recette de peinture, ça ne l'intéresse plus, il invente une nouvelle manière de faire de l'art. Beaucoup d’autres artistes font toujours la même chose pour améliorer leur peinture… Mais aussi parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement puisqu’ils sont devenus célèbres avec cela… C'est donc difficile de changer, leurs admirateurs ne les reconnaîtraient plus.

On ne reconnaît pas facilement une peinture de Max Ernst.
Max Ernst a toujours aimé changer, il a souvent essayé de faire autrement comme si cela l'ennuyait de recommencer trop souvent.



Les "décalcomanies".



(Je ne sais pas pourquoi Max Ernst appelle cela ainsi. Cela voudrait dire que c'est une sorte de décalque, comme un tatouage en papier souple qu'on veut se mettre sur la peau.)

Quand on voit pour la première fois en vrai, un tableau peint par "décalcomanie"... On comprend bien que Max Ernst ne peignait pas avec un pinceau mais avec autre chose : un morceau de papier ?
-« Comment peut-on peindre avec un bout de papier? »
-« Max Ernst était un malin. »





Il mettait de la peinture à l'huile assez fluide sur un papier ou sur un morceau de bois comme sur une tartine, puis il retournait la tartine sur sa toile et la faisait glisser. Il la retirait d'un coup, ça faisait un drôle d'effet… Des traînées de couleurs compliquées. Cela on ne peut pas le voir sur le livre !

Il ne mélangeait pas trop les couleurs sur le morceau de papier, il préférait qu'elles se mélangent sur la toile quand il faisait glisser le morceau de papier.

Il faut faire glisser la tartine avec les deux mains. Au début les résultats ne sont pas bons. Ça s'améliore souvent quand on essaye beaucoup, mais ça peut énerver, alors il vaut mieux essayer le lendemain.
Mais il ne faut pas abandonner puisque Max Ernst a réussi à faire de magnifiques tableaux avec cette technique.

Mais Max Ernst ne laissait pas ses tableaux ainsi !
Il continuait à peindre minutieusement avec un petit pinceau sur la peinture glissée et mélangée. Il faisait apparaître des têtes étranges en améliorant un peu les choses, Les têtes étranges existaient déjà presque dans la couleur. Il fallait les voir et les faire voir aux autres.


(Qu’il appelle cela " décalcomanie" alors qu'il ne décalque rien du tout, c'est un peu exagéré !)
Il aurait dû appeler cette technique "la tartine de confiture retournée sur la table" ou "la tartine de peinture glissée sur la toile ".

La peinture "L'Europe après la pluie" 1940-42 est faite de cette manière et elle a été minutieusement améliorée.


Max Ernst et les frottages.



- « Il frotte quoi… Sur quoi ? »

Il frotte sur du papier avec un crayon… Mais il a mis quelque chose sous sa feuille.
Qu’est-ce que l’on pourrait bien mettre sous la feuille ?
Une pièce de monnaie !
Essayons.
Mais quoi encore de plus surprenant qu’une pièce de monnaie ?
Il faut découvrir seul.


Max Ernst dit que la technique n'est pas importante quand on fait quelque chose en art.
La technique n'a rien de mystérieux ni d'impossible, il faut la comprendre et l'essayer. C'est comme quand on achète une surprise, ce n'est pas bien difficile de construire l’objet qu’il y a à l’intérieur, il y a le mode d'emploi…. Ce qui est plus difficile c’est de construire un autre objet avec les mêmes morceaux.

C’est pareil avec les frottages, ce n’est pas difficile de frotter des bouts un peu partout sur la feuille, c’est plus difficile d’en faire autre chose…





Max Ernst est timide, il n'aime pas trop que l'on dise qu’il est adroit, il ne veut pas décourager ceux qui veulent essayer, il veut nous expliquer qu'en essayant, tout le monde pourrait faire ce qu'il fait.
C'est peut-être le seul artiste qui a essayé de nous faire comprendre que les oeuvres sont faciles à faire quand on connaît la technique.
Les autres artistes nous ont fait quelquefois croire que ce qu’ils faisaient était très difficile à refaire qu’ils étaient les seuls à pouvoir le faire et que ce n’était pas la peine d’essayer parce qu’on était trop bête.
Max Ernst lui, nous fait confiance et nous dit d'essayer.

Il parle simplement.

« Je me souviens d'un panneau de bois situé en face de mon lit, je le regardais souvent quand j'étais petit. Je le voyais encore un peu quand j'étais prêt à m'endormir. J'y voyais des choses bizarres.
Plus tard ce fut un plancher qui m’a fait rêver… et un peu peur. Les lavages à la brosse avaient accentué les rainures du bois.
J'étais attiré par le sol et presque obligé de le regarder tout le temps à cause des lignes et des noeuds du bois. Cela m'énervait et à la fois cela me plaisait, ce que je voyais changeait tout le temps. Je me suis approché du plancher avec une feuille de papier dans l'espoir de garder les traces sur la feuille (comme on fait avec une pièce de monnaie). Je changeais régulièrement et légèrement la feuille de place…, juste un peu. J'obtenais des lignes d'une grande précision et je piégeais le monde que j'avais repéré quand j’étais debout.

Par la suite, j'ai placé des feuilles de papier sur d'autres choses que du bois. Des choses qui voulaient bien se laisser frotter par mon crayon ; des feuilles d'arbres, de la toile de sac, de la ficelle, de la peinture sèche…

Il faut essayer pour comprendre. »





Les collages de Max Ernst.


Au début du siècle, il n'y avait pas beaucoup de photographies dans les magazines, il y avait surtout des dessins qui ressemblaient à des photographies, ils étaient réalisés avec beaucoup de hachures serrées.
Si vous aviez été enfants à cette époque, vous n'auriez pas pu découper des photos. Vous auriez découpé des images faites de petits traits très serrés les uns contre les autres.
De plus, les livres illustrés étaient rares.
... Les prospectus publicitaires n'existaient pas. À l'époque de Max Ernst, le facteur n'en déposait pas dans les boîtes aux lettres : Max Ernst s'est débrouillé autrement pour trouver des images.

"Un jour (en 1919), alors que je regardais un livre illustré d'objets (des parapluies, des montres, des outils, des vêtements, etc.) j'ai été surpris de voir des choses aussi différentes les unes serrées à côté des autres, des choses qu'on ne voit pas ensemble d'habitude, mes yeux ont vu des autres objets, j'ai eu envie d'ajouter au crayon quelques lignes et des hachures entre les différents objets pour que cela donne les mêmes images que je vois dans mes rêves."



Le but de Max Ernst est simple : il veut renverser les rapports connus entre les objets, il veut proposer des rapports inattendus et inédits entre les images.





Quand son collage était fini, Max Ernst n'aimait pas qu'on le regarde de près il y avait trop de défauts : le collage était un peu sale, avec les traces de colle, le papier un peu froissé et les coups de ciseaux maladroits, il le cachait, et il en faisait une photographie. Au XXIe siècle nous dirions qu'il vaut mieux montrer la photocopie que la feuille de travail un peu sale. Aujourd'hui une photocopie ne vaut pas cher, alors pourquoi s'en priver, et en plus si le collage est bien réussi, on peut en offrir à tous les amis.
Max Ernst n'aimait vraiment pas qu'on voie qu'il avait collé des bouts d'images hachurées les uns à côté des autres ! La photocopie, c'est idéal !
Bien malin celui qui maintenant retrouvera comment ça a été fait !
-« On ne doit pas savoir comment ça a été fait. »

On peut faire aussi des collages avec des bouts de différentes photos. Cela s'appelle tes "photomontages".
Un autre artiste, Man Ray, disait qu'il était un "fautographe" et non pas un "photographe".
Max Ernst n'a jamais été un "fautographe" puisqu'il n'a jamais collé des bouts de photos..., ça n’existait presque pas à son époque, sinon il l’aurait fait aussi.

Le grattage de Max Ernst.


Le Tacotac c'est du grattage, on gratte sur le noir pour trouver un bon numéro par-dessous… On espère gagner !
Max Ernst aime gratter sa peinture, ça ne veut pas dire qu'il veut passer au travers, ce n'est pas non plus parce que sa peinture pique et qu'il veut lui faire du bien.
Il gratte pour gagner, sa peinture se vendra mieux…, Il ne faut pas oublier qu'il gagne sa vie en vendant ses œuvres.
Voici comment il enlève de la peinture en grattant :
1- Il installe une toile.
2- Il peint toute la surface de la toile blanche. Il peint avec de la peinture à l'huile, c'est assez long à sécher.
3- Il doit attendre.
4- Puis, il peint une deuxième couche de couleur, il peut choisir la couleur, mais il peut utiliser des restes de peinture.
5- Il attend qu'elle sèche.
6- Il peut recommencer encore une fois s’il le veut.
Il y a donc plusieurs couches de peinture plus ou moins sèches les unes sur les autres.
7- C'est là que commence son véritable travail ; il prend une raclette, un couteau, un grattoir, et il essaye d'enlever les couches de peinture : comme pour enlever la glace sur le pare brise des voitures en hiver Il ne va pas tout enlever, sinon ce n'était pas la peine de mettre toutes ces couches de peinture les unes sur les autres. De toutes manière ça serait difficile de tout enlever puisque la peinture est sèche et dure.






On peut racler un peu comme on veut, on retrouvera les couleurs du dessous, et ça ne fera jamais pareil que si l'on utilisait un pinceau pour faire cet effet.

On peut aussi gratter les couches de couleur superposées :
1- Dans les pastels gras.
2- Dans la gouache.
3- Dans la peinture acrylique.
4- Si on mélange les trois ça peut marcher.
Souvent la table sur laquelle on travaille est trop lisse. Ça serait mieux d’être sur quelque chose de plus rugueux comme une vieille table, une planche de bois. En tout cas, on trouve des choses plus belles au grattage quand il y a des petites bosses.





Max Ernst est compliqué, il peut mélanger toutes les techniques dont on vient parler : Décalcomanies, collages, frottages, grattages…
Il peut faire glisser, attendre que ça sèche, gratter, frotter et surtout peindre par-dessus, comme les autres peintres. Il peut peindre avec précision, ou même faire un gribouillis.





Max Ernst n’est pas un débutant ! Au début il vaut mieux faire des expériences avec chacune des techniques qui permettent de belles découvertes, puis par la suite, en mélanger quelques-unes pour obtenir un résultat plus compliqué, mais c’est difficile de réussir quelque chose d’embrouillé.
Lui non plus, il n’a pas toujours réussi.
Alors il faut continuer à gratter dessus…


.

lundi, mai 29, 2006

Art Nouveau / Ecole de Nancy.






L'Art Nouveau n'est plus nouveau.

Le vin nouveau arrive tous les ans après les vendanges, après il n’est plus nouveau, c'est du vin qui va vieillir tous les ans et devenir meilleur. (À boire avec modération.)
L'Art Nouveau s'appellera toujours comme cela alors que ça fait longtemps qu'il est terminé; ça fait un siècle que c'est fini, cent ans.
Est-il devenu meilleur ?
Vous, vous avez connu le début du XXIe siècle en l'an 2000. Ceux qui ont connu l'art nouveau vivaient au début du siècle précédent, en 1900. (À peu près lorsque la lourde tour Eiffel en fer était lancée vers le ciel).
Donc plus personne de vivant n'a connu l'art nouveau au moment où il se fabriquait.
Heureusement, il reste des traces de cette époque qu'on appelle aussi Modern Style (en anglais).
Le contraire de "moderne", c'est vieux, le contraire de "nouveau", c'est ancien, c'est pareil.
"Moderne" c'est comme "nouveau". Ce n'est plus ni nouveau ni moderne quand c'est vieux.
On dit aussi "La Belle Époque", c'est plus simple à comprendre, mais on vit peut-être nous aussi une belle époque... Alors on devrait peut-être dire style 1900 ?

Où peut-on trouver des traces de cette Belle Époque moderne 1900 d'Art Nouveau ?

On peut trouver des œuvres de cette époque dans certaines grandes villes à condition de bien connaître ce que l'on cherche et de lever le nez.

À Nancy, c'est assez facile de trouver de magnifiques décorations de cette époque juste en marchant, en regardant les maisons et en relevant la tête.
Il faut tout de même apprendre à chercher les détails et les formes de cette époque, sinon on ne sait pas quoi chercher.
L’Art Nouveau aime les courbes, alors c'est assez facile : il faut chercher des courbes.
Si vous trouvez une courbe sur une façade, sur un balcon, sur une fenêtre, ou sur une porte, c'est sans doute de l'Art Nouveau.



Si vous trouvez des décorations qui semblent fondre comme du chocolat c'est une maison Art Nouveau.., à Nancy, on dit "École de Nancy".
Les façades bizarres de maisons avec des courbes que l'on trouve à Nancy ont été dessinées et sculptées par des élèves de l'école de Nancy, qui font de l'Art Nouveau, qui a plus d’un siècle.
Les élèves de l'école de Nancy qui sont des adultes aiment beaucoup les lignes sinueuses des plantes qui montent le long des murs. Ils aiment aussi les fleurs. Les fleurs ne sont pas souvent carrées, triangulaires, et leurs tiges ne sont ni droites ni parallèles ni perpendiculaires.
C'est très simple, l’Ecole de Nancy déteste les formes géométriques.

Ils ne sont pas seuls à ne pas aimer les lignes droites.

(1-) Les pyramides sont triangulaires, les artistes de Nancy n'aimaient pas les volumes simples comme ceux-là.
(2-) Les temples grecs, (3-) les temples romains et (4-) les églises de la renaissance n'ont aucunes courbes non plus ; ce sont juste des triangles isocèles posés sur des lignes parallèles, les colonnes. Ça ne ressemble pas du tout à une plante (mimer ou dessiner).
(5-) Il y a une époque où l'on a sculpté des courbes dans les églises géométriques. Les triangles se sont transformés en arcs et ils ont été décorés par des spirales qu'on appelle volutes. On a appelé cette époque "Le Baroque",
La fumée de cigarettes fait de magnifiques dessins bouclés qu'on appelle "volutes ". Fumer provoque de graves maladies
(6-) puis...,Le Rococo", il y avait encore plus de détails tordus les uns dans les autres.

(7-) Les architectes des cathédrales gothiques aimaient bien les courbes simples, les arcs de cercle ; les arcs de cercle qui se coupent, les arcs de cercle parallèles.
Les cathédrales gothiques sont très anciennes : elles ont sept siècles, 700 ans et elles sont toujours debout, ce ne sont que des pierres empilées, et ça donne l'impression d'être des lianes, les artistes de l'Art Nouveau ont aimé les artistes gothiques.

Il faut retenir que les hommes qui ont construit les maisons ont tantôt aimé ou détesté les lignes courbes.
C'est étrange, il y a des époques où l'on aime habiter dans les courbes et d'autres époques ; non.

Les artistes de l'art nouveau ont écrit dans leur règlement :

"La nature fait de très belles lignes, ce sera notre unique source d'inspiration."


Ceux qui ont construit autrement à cette époque n'ont pas été des artistes de l'Art Nouveau. Leurs règles n'a pas duré longtemps : vingt ans seulement !
Ensuite, la ligne verticale et l'horizontale sont redevenues les reines jusqu'à aujourd'hui ; C'est-à-dire depuis quatre-vingt-dix ans à peu près.
Notre époque n'est pas drôle pour ceux qui aiment les lignes rigolotes comme les nouilles.
À l'époque, pour se moquer de la décoration Art Nouveau, on l'appelait le "style nouille". Il faut plutôt imaginer des spaghettis cuits sans sauce tomate, mais ce n'était tout de même pas aussi tordu… Ceux qui n’aiment pas exagèrent toujours.

Pour les ouvriers, ce n'était pas facile de tailler la pierre dure pour qu’elle devienne souple comme une plante qui grimpe.

Le bois se taille bien, mais ce n'était pas facile pour les menuisiers de faire des fenêtres en forme de fougères. Les carreaux pouvaient avoir les formes et les couleurs que l'on voulait, ils en profitaient quand la pâte de verre était chaude et molle un peu comme de la pâte à tarte.
À cette époque, ils avaient beaucoup de fer, la preuve, la tour Eiffel. Alors ces artistes en utilisèrent beaucoup en le tordant dans tous les sens comme les belles grandes angéliques qu'on trouve dans les prés au printemps. Les balcons donnent l'impression d'être en réglisse.


L'intérieur des maisons a aussi été beaucoup décoré.
L'intérieur des maisons Art Nouveau est à admirer.

Les artistes ont réfléchi et fabriqué tout ce qui doit y avoir dans un appartement pour y vivre. Quand on déménage en principe on emporte les meubles, sa vaisselle, ses objets de décorations...
... Mais, lorsque l'on arrive dans un appartement Art Nouveau tout y est prévu, mêmes les poignées de portes, le porte-parapluie, et les vases pour les fleurs.
C'est assez incroyable, tout se ressemble, tout est un peu mou et lourd, fondu comme des bougies, mais pas ramollo, les lignes sont énergiques, comme la courroie d'un fouet qui claque. On a appelé aussi ce style "le style coup de fouet".
En Allemagne, ceux qui se moquent l’ont appelé "le style ténia". (Du nom du grand vers que l'on pouvait avoir dans l'intestin.)
Il y en avait qui n'aimait vraiment pas les formes que font les lacets de chaussures !

Aujourd'hui, dans les villes d’Europe, il est difficile d'entrer à l'intérieur des maisons Art Nouveau, parce que des gens y vivent tranquillement ou bien tout est transformé depuis 1900.

1- Heureusement il y a des livres qui nous montrent les meubles et les objets qui ont été photographiés.
2- Il y a aussi des musées qui exposent, les meubles bien conservés, les objets et les vases. C'est le cas du musée de Nancy qui présente une collection de plusieurs centaines de vases en pâte de verre plus colorés et modelés les uns que les autres.
3- Il y a aussi à Nancy une maison musée, tout est resté en place, on croirait qu'on rentre chez quelqu'un qui n'a jamais rien acheté dans les supermarchés..., le moindre objet est tarabiscoté, bizarre, très travaillé, mou.
Les volumes des salles de cet appartement n’ont tout de même pas pris les formes des tulipes que les artistes aimaient bien. Elles sont restées cubiques ! C'est un peu dommage que les architectes n'aient pas fait des maisons en forme de citrouille, c'est une belle forme naturelle pour faire un salon à l’intérieur…
À Nancy, ils aimaient beaucoup la fleur de chardon, une plante qui pique, qui les protégeait peut-être des Allemands à cette époque. Les Nancéens ne les aimaient pas. Ils étaient l'ennemi qui s'était installé pas loin de chez eux. Beaucoup d’habitants de Nancy étaient des gens des départements limitrophes qui avaient fui « les Boches ».
Les deux camps venaient de finir une guerre et il y allait en avoir encore deux, mais ils ne le savaient pas encore.
S’injurier et se détester entraîne souvent une guerre.

Les artistes de l’Art Nouveau n'aiment pas le monde des grosses machines qui prenait beaucoup d'importance à cette époque. Ils préféraient les artisans qui travaillaient plus tranquillement, plus soigneusement et plus délicatement.
Il ne faut pas oublier qu'ils aimaient la nature, et pas beaucoup les villes polluées par de grosses usines à charbon fumaient beaucoup plus que celles de nos jours.
Les artistes de l'Art Nouveau auraient aimé que tout le monde puisse habiter dans les belles maisons qu'ils construisaient. Ils auraient aimé que tout le monde mange dans les assiettes qu'ils fabriquaient. Qu’il y ait au milieu de la table un beau bouquet de fleurs composées dans un magnifique vase en pâte de verre coloré.
Croyaient-ils vraiment que tout le monde pouvait se payer cela ?
Ça coûtait cher de sculpter tant de détails sur les meubles et sur les tables ! De plus, ils utilisaient souvent l’ivoire, la nacre, le cristal, le cuir, le bois des îles, l’or, l’argent, la porcelaine…

Finalement il n'y eut que les gens riches (la bourgeoisie) pour s'acheter un tel luxe.
Ce fut le bon goût des gens riches de l'époque.
La main d’œuvre coûtait cher, c’était très long de fabriquer des choses compliquées comme :
- Les chaises escargots (de Carlo Bugatti),
- Un lit papillon incrusté de bois exotiques et de nacre ( de Majorelle).
- Les vases champignons (de Gallé),
- Les vases crocus, les balcons fougère (de Gaudi),
- Les entrées de métro en lianes (de Guimard),
- Une coupole corolle vitrée (de Horta).

Donc, que des travaux d’artisans et pas d’usine ; pas toujours !
Les vases et les lampes de chevet d’Émile Gallé plaisaient tant, il en vendait tellement qu’il les a fait faire à la chaîne à l’usine pour que tout le monde puisse en acheter, mais c’est une exception. Fabriqués à la chaîne ces objets devinrent moins beaux ; quand on fait trop vite les choses compliquées, elles peuvent être moins réussies.


Il en a tant vendu, qu’une décennie plus tard, ça a dégoûté tout le monde, plus personne n'en voulait, ils les mettaient au grenier. C'était devenu signe de mauvais goût pour tout le monde.

Et maintenant, il y a des gens qui les aiment bien "à Nouveau" les lampes.
Ce sont de très belles lampes quand il s'agit des véritables lampes de cette époque. Le problème c'est qu’il n’y en a plus beaucoup, du coup, les magasins en vendent des toutes neuves, elles sont encore moins authentiques, et ça dégoûtera bientôt encore tout le monde.
C'est le cercle infernal des lampes Art Nouveau et du serpent qui se mord la queue.




Allez boire un verre à L’Excelsior !