lundi, juin 12, 2006

Max Ernst / le feu follet.












. MAX ERNST le feu follet.




La première peinture Surréaliste !



C'est difficile de reconnaître l’oeuvre de Max Ernst (1891 /1976).

Si on avait toutes les œuvres les unes à côté des autres, ça ferait beaucoup, et l’on ne pourrait pas savoir que c'est la même personne qui les a faites, elles sont si différentes les unes des autres !

C’est sans doute pour cela qu'on aime beaucoup Max Ernst plus que d'autres peintres qui eux n'ont jamais changé leur manière de peindre de toute leur vie.
Lui, il a beaucoup changé de façon, de penser et de faire.

Max Ernst est comme une flamme. Il n'est jamais immobile, il change de style, il change de techniques… Il est obligé de changer d'endroit et de changer de nationalité : il est né en Allemagne, il est expulsé par les nazis, il passe par la France, il fuit le nazisme en allant aux États-Unis, après la guerre, il devient français. Il n'a pas la bougeotte, ce sont les guerres qui le chassent. À cette époque, beaucoup d'artistes allemands ont fait comme lui.


En 1921, c'est lui le premier qui peint un tableau bizarre (qu'on appellera "le premier tableau surréaliste").

Il peint un drôle d'éléphant avec un couvercle et de la tuyauterie. On ne croirait pas que c'est un éléphant, c'est plutôt une grosse cocotte-minute, ou une soucoupe volante trop lourde qui ne pourrait pas voler, au bout de la trompe il y a un masque de taureau.



C'est à partir de cette magistrale fessée que j'ai été certain que je n'aurais jamais plus la foi. J'avais 17 ans, j'étais fusilier-marin commando parachutiste, ça ne valait guère mieux!


Il étonna beaucoup ses amis avec cette image que personne n'avait jamais vue en peinture, il l'appelle "L'éléphant Célèbes*", je ne sais pas pourquoi. On croirait que ça veut dire l'éléphant célèbre..., il est célèbe maintenant, on peut le voir à Londres.

(*Il y a des îles qu'on appelle les îles Célèbes. Ça c’est vrai !)

Quand il devient champion de sa recette de peinture, ça ne l'intéresse plus, il invente une nouvelle manière de faire de l'art. Beaucoup d’autres artistes font toujours la même chose pour améliorer leur peinture… Mais aussi parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement puisqu’ils sont devenus célèbres avec cela… C'est donc difficile de changer, leurs admirateurs ne les reconnaîtraient plus.

On ne reconnaît pas facilement une peinture de Max Ernst.
Max Ernst a toujours aimé changer, il a souvent essayé de faire autrement comme si cela l'ennuyait de recommencer trop souvent.



Les "décalcomanies".



(Je ne sais pas pourquoi Max Ernst appelle cela ainsi. Cela voudrait dire que c'est une sorte de décalque, comme un tatouage en papier souple qu'on veut se mettre sur la peau.)

Quand on voit pour la première fois en vrai, un tableau peint par "décalcomanie"... On comprend bien que Max Ernst ne peignait pas avec un pinceau mais avec autre chose : un morceau de papier ?
-« Comment peut-on peindre avec un bout de papier? »
-« Max Ernst était un malin. »





Il mettait de la peinture à l'huile assez fluide sur un papier ou sur un morceau de bois comme sur une tartine, puis il retournait la tartine sur sa toile et la faisait glisser. Il la retirait d'un coup, ça faisait un drôle d'effet… Des traînées de couleurs compliquées. Cela on ne peut pas le voir sur le livre !

Il ne mélangeait pas trop les couleurs sur le morceau de papier, il préférait qu'elles se mélangent sur la toile quand il faisait glisser le morceau de papier.

Il faut faire glisser la tartine avec les deux mains. Au début les résultats ne sont pas bons. Ça s'améliore souvent quand on essaye beaucoup, mais ça peut énerver, alors il vaut mieux essayer le lendemain.
Mais il ne faut pas abandonner puisque Max Ernst a réussi à faire de magnifiques tableaux avec cette technique.

Mais Max Ernst ne laissait pas ses tableaux ainsi !
Il continuait à peindre minutieusement avec un petit pinceau sur la peinture glissée et mélangée. Il faisait apparaître des têtes étranges en améliorant un peu les choses, Les têtes étranges existaient déjà presque dans la couleur. Il fallait les voir et les faire voir aux autres.


(Qu’il appelle cela " décalcomanie" alors qu'il ne décalque rien du tout, c'est un peu exagéré !)
Il aurait dû appeler cette technique "la tartine de confiture retournée sur la table" ou "la tartine de peinture glissée sur la toile ".

La peinture "L'Europe après la pluie" 1940-42 est faite de cette manière et elle a été minutieusement améliorée.


Max Ernst et les frottages.



- « Il frotte quoi… Sur quoi ? »

Il frotte sur du papier avec un crayon… Mais il a mis quelque chose sous sa feuille.
Qu’est-ce que l’on pourrait bien mettre sous la feuille ?
Une pièce de monnaie !
Essayons.
Mais quoi encore de plus surprenant qu’une pièce de monnaie ?
Il faut découvrir seul.


Max Ernst dit que la technique n'est pas importante quand on fait quelque chose en art.
La technique n'a rien de mystérieux ni d'impossible, il faut la comprendre et l'essayer. C'est comme quand on achète une surprise, ce n'est pas bien difficile de construire l’objet qu’il y a à l’intérieur, il y a le mode d'emploi…. Ce qui est plus difficile c’est de construire un autre objet avec les mêmes morceaux.

C’est pareil avec les frottages, ce n’est pas difficile de frotter des bouts un peu partout sur la feuille, c’est plus difficile d’en faire autre chose…





Max Ernst est timide, il n'aime pas trop que l'on dise qu’il est adroit, il ne veut pas décourager ceux qui veulent essayer, il veut nous expliquer qu'en essayant, tout le monde pourrait faire ce qu'il fait.
C'est peut-être le seul artiste qui a essayé de nous faire comprendre que les oeuvres sont faciles à faire quand on connaît la technique.
Les autres artistes nous ont fait quelquefois croire que ce qu’ils faisaient était très difficile à refaire qu’ils étaient les seuls à pouvoir le faire et que ce n’était pas la peine d’essayer parce qu’on était trop bête.
Max Ernst lui, nous fait confiance et nous dit d'essayer.

Il parle simplement.

« Je me souviens d'un panneau de bois situé en face de mon lit, je le regardais souvent quand j'étais petit. Je le voyais encore un peu quand j'étais prêt à m'endormir. J'y voyais des choses bizarres.
Plus tard ce fut un plancher qui m’a fait rêver… et un peu peur. Les lavages à la brosse avaient accentué les rainures du bois.
J'étais attiré par le sol et presque obligé de le regarder tout le temps à cause des lignes et des noeuds du bois. Cela m'énervait et à la fois cela me plaisait, ce que je voyais changeait tout le temps. Je me suis approché du plancher avec une feuille de papier dans l'espoir de garder les traces sur la feuille (comme on fait avec une pièce de monnaie). Je changeais régulièrement et légèrement la feuille de place…, juste un peu. J'obtenais des lignes d'une grande précision et je piégeais le monde que j'avais repéré quand j’étais debout.

Par la suite, j'ai placé des feuilles de papier sur d'autres choses que du bois. Des choses qui voulaient bien se laisser frotter par mon crayon ; des feuilles d'arbres, de la toile de sac, de la ficelle, de la peinture sèche…

Il faut essayer pour comprendre. »





Les collages de Max Ernst.


Au début du siècle, il n'y avait pas beaucoup de photographies dans les magazines, il y avait surtout des dessins qui ressemblaient à des photographies, ils étaient réalisés avec beaucoup de hachures serrées.
Si vous aviez été enfants à cette époque, vous n'auriez pas pu découper des photos. Vous auriez découpé des images faites de petits traits très serrés les uns contre les autres.
De plus, les livres illustrés étaient rares.
... Les prospectus publicitaires n'existaient pas. À l'époque de Max Ernst, le facteur n'en déposait pas dans les boîtes aux lettres : Max Ernst s'est débrouillé autrement pour trouver des images.

"Un jour (en 1919), alors que je regardais un livre illustré d'objets (des parapluies, des montres, des outils, des vêtements, etc.) j'ai été surpris de voir des choses aussi différentes les unes serrées à côté des autres, des choses qu'on ne voit pas ensemble d'habitude, mes yeux ont vu des autres objets, j'ai eu envie d'ajouter au crayon quelques lignes et des hachures entre les différents objets pour que cela donne les mêmes images que je vois dans mes rêves."



Le but de Max Ernst est simple : il veut renverser les rapports connus entre les objets, il veut proposer des rapports inattendus et inédits entre les images.





Quand son collage était fini, Max Ernst n'aimait pas qu'on le regarde de près il y avait trop de défauts : le collage était un peu sale, avec les traces de colle, le papier un peu froissé et les coups de ciseaux maladroits, il le cachait, et il en faisait une photographie. Au XXIe siècle nous dirions qu'il vaut mieux montrer la photocopie que la feuille de travail un peu sale. Aujourd'hui une photocopie ne vaut pas cher, alors pourquoi s'en priver, et en plus si le collage est bien réussi, on peut en offrir à tous les amis.
Max Ernst n'aimait vraiment pas qu'on voie qu'il avait collé des bouts d'images hachurées les uns à côté des autres ! La photocopie, c'est idéal !
Bien malin celui qui maintenant retrouvera comment ça a été fait !
-« On ne doit pas savoir comment ça a été fait. »

On peut faire aussi des collages avec des bouts de différentes photos. Cela s'appelle tes "photomontages".
Un autre artiste, Man Ray, disait qu'il était un "fautographe" et non pas un "photographe".
Max Ernst n'a jamais été un "fautographe" puisqu'il n'a jamais collé des bouts de photos..., ça n’existait presque pas à son époque, sinon il l’aurait fait aussi.

Le grattage de Max Ernst.


Le Tacotac c'est du grattage, on gratte sur le noir pour trouver un bon numéro par-dessous… On espère gagner !
Max Ernst aime gratter sa peinture, ça ne veut pas dire qu'il veut passer au travers, ce n'est pas non plus parce que sa peinture pique et qu'il veut lui faire du bien.
Il gratte pour gagner, sa peinture se vendra mieux…, Il ne faut pas oublier qu'il gagne sa vie en vendant ses œuvres.
Voici comment il enlève de la peinture en grattant :
1- Il installe une toile.
2- Il peint toute la surface de la toile blanche. Il peint avec de la peinture à l'huile, c'est assez long à sécher.
3- Il doit attendre.
4- Puis, il peint une deuxième couche de couleur, il peut choisir la couleur, mais il peut utiliser des restes de peinture.
5- Il attend qu'elle sèche.
6- Il peut recommencer encore une fois s’il le veut.
Il y a donc plusieurs couches de peinture plus ou moins sèches les unes sur les autres.
7- C'est là que commence son véritable travail ; il prend une raclette, un couteau, un grattoir, et il essaye d'enlever les couches de peinture : comme pour enlever la glace sur le pare brise des voitures en hiver Il ne va pas tout enlever, sinon ce n'était pas la peine de mettre toutes ces couches de peinture les unes sur les autres. De toutes manière ça serait difficile de tout enlever puisque la peinture est sèche et dure.






On peut racler un peu comme on veut, on retrouvera les couleurs du dessous, et ça ne fera jamais pareil que si l'on utilisait un pinceau pour faire cet effet.

On peut aussi gratter les couches de couleur superposées :
1- Dans les pastels gras.
2- Dans la gouache.
3- Dans la peinture acrylique.
4- Si on mélange les trois ça peut marcher.
Souvent la table sur laquelle on travaille est trop lisse. Ça serait mieux d’être sur quelque chose de plus rugueux comme une vieille table, une planche de bois. En tout cas, on trouve des choses plus belles au grattage quand il y a des petites bosses.





Max Ernst est compliqué, il peut mélanger toutes les techniques dont on vient parler : Décalcomanies, collages, frottages, grattages…
Il peut faire glisser, attendre que ça sèche, gratter, frotter et surtout peindre par-dessus, comme les autres peintres. Il peut peindre avec précision, ou même faire un gribouillis.





Max Ernst n’est pas un débutant ! Au début il vaut mieux faire des expériences avec chacune des techniques qui permettent de belles découvertes, puis par la suite, en mélanger quelques-unes pour obtenir un résultat plus compliqué, mais c’est difficile de réussir quelque chose d’embrouillé.
Lui non plus, il n’a pas toujours réussi.
Alors il faut continuer à gratter dessus…


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6 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour ce site. Je fais une exposition sur le collage, donc depuis un petit moment je visite tous les sites qui s'y rapporte, et celui-là est superbe: l'information est bonne, la prose est bonne, ... malheureusement je n'ai pas accès aux photos.
Encore bravo!

Anonyme a dit…

Les infos sur les collages de Max Ernst ne sont pas très exactes :
"Un jour (en 1919), alors que je regardais un livre illustré d'objets (des parapluies,..."
C'est faux !

Anonyme a dit…

Merci pour ce très joli article. Je prépare une petite récré pour des CP-CE1 sur ce tableau, et votre texte est formidable, juste ce qu'il me fallait pour comprendre et faire aimer, j'espère.

associateyes a dit…

Merci, très sympa. J'aime bien les photomontages

Anonyme a dit…

Super Blog. Mais je cherches différentes techniques de peintures sur un Tableau en particulié:" Le Limacon de chambre" Ou Je peut trouver sa ???


Merci . :D

Unknown a dit…

Bonjour,
Je vais mettre un lien sur votre site dans mon blog (article à paraître le 2 avril) https://cejour.home.blog/ J'ai retrouvé votre site grâce au lien que j'avais fait https://www.reseau-canope.fr/blog-savoirs-cdi/wp-content/uploads/2009/03/musees7.pdf pour des documentalistes.
Bonne journée
Bernadette Couturier