mercredi, juin 18, 2008

Collage/Photomontage/Rossignol











N'oubliez pas d'agrandir les images s'il vous plaît.



























D’après Anne, étudiante 2007.

Le photomontage.

“Le photomontage” n’est pas à confondre avec “le collage”.


Le collage est une technique expérimentée par les cubistes. Ils pouvaient placer un morceau de toile cirée imprimée sur une vraie peinture à l’huile ou coller franchement un morceau de journal, un ticket de métro dans la peinture fraîche. Le collage fut une pratique courante de Picasso, de Braque, de Schwitters à partir de 1910.




Le photomontage, c’est différent. C’est une pratique de découpage d’éléments de reproductions photographiques ré-assemblés dans un certain ordre et collés.
Les morceaux sont recollés pour former une autre image. Cette nouvelle image perturbée est presque vraisemblable, mais elle dérange puisque l’on ne la reconnaît plus comme étant véridique. Elle n’est plus une “reproduction photographique” et donc, elle dérange l’esprit.

Max Ernst est le maître du “photomontage”. Il a découpé et transformé des images hachurées de revues illustrées déclassées du début du XXe.

Max Ernst disait qu’il voulait que personne ne sache comment il a procédé. Il n’aimait pas qu’on regarde de trop près son original collé qui avait trop de défauts selon lui: ses collages étaient un peu sales comme un peu tous les collages. On y distinguait des traces de colle, le papier est un peu froissé et les coups de ciseaux sont quelques fois incertains.
Aujourd’hui avec la colle en bâton, c’est plus aisé de coller et le résultat est plus propre.



Max Ernst eut recours à la reproduction photographique de ses photomontages de manière à cacher les imperfections.

Ce choix délibéré de dissimuler les marques de fabrique m’a surpris. J’ai moi aussi pris mon photomontage en photo. J’ai été séduite par l’image que j’avais sur le petit moniteur de l’appareil photo numérique à quelques centimètres de mon œil droit. Je fus plus abusée par cette petite image que par mon assemblage qui était sur la table. La pratique de Max Ernst m’a rassuré puisque je ne voulais pas moi aussi que l’on sache comment j’avais procédé.

Ensuite la photographie imprimée m’a permis un changement d’échelle. Le collage sur papier à la colle bâton est passé de 50 X 60 à 30 X 40 centimètres.
Considérer ce nouveau format c’est regarder une autre réalisation !

Ma reproduction réduite sera vraiment ma réalisation, mais en art, ça peut être l’inverse.
Par exemple, la grande toile de Monet à l’Orangerie, “Les Nymphéas”, m’a beaucoup émue. L’organisation des flous par toutes ses touches virevoltantes de pinceau est tellement plus étonnante que la vue d’une reproduction, et, je n’avais vu que cela jusqu’ici !



Même lorsque les dimensions sont indiquées sous la repro, on ne peut pas imaginer le vrai tableau, il faut le voir de près, il faut pouvoir varier la distance de regard… Quel dommage que nous n’ayons pas le droit de toucher la peinture, mais il n’est plus comme à l’origine… l’odeur de térébenthine et d’huile de lin se sont dissipées…

Le nez dessus, on peut comprendre et apprendre le geste pictural de l’artiste ; on voit les jus, les glacis et les légers empâtements. Quand on s’éloigne, le tableau se dévoile dans son ensemble.
Il est nécessaire d’aller au musée, de voir une peinture originale, car la vision d’une reproduction sur papier imprimé même de grand format ne fait pas voir la peinture.
Une reproduction ne dégage pas le même aura que l’original, c’est évident.

Ce qui est contradictoire, c’est que j’apprécie chez Monet le contraire de ce que j’explique vouloir pour mon photomontage !
Oui je dis le contraire, puisque j’affirme comme Max Ernst, que ma reproduction à l’imprimante sur papier glacé met plus en valeur mon travail original plutôt mal fagoté.



Comment je suis arrivée à ma production, ou plutôt à ma reproduction, quelle est ma démarche ?

Le “découpage”, la “combinatoire des pièces” et enfin le “collage” sont trois activités ludiques.
Les dés ne sont pas jetés tant que les pièces ne sont pas fixées tant que je n’ai rien collé. Et même si j’ai collé, rien ne m’empêche de décoller avec soin, de redécouper ou de recoller une autre pièce par-dessus.

Faire et défaire est le propre du photomontage et du collage.



Une nouvelle idée de placement est toujours possible.
Déplacer les papiers permet les hésitations sans avoir à tout recommencer.

En peinture, il est plus difficile de changer les éléments de place et ce n’est pas toujours évident de modifier ce qui a été peint. Certaines retouches sont délicates et peuvent mettre en péril la production. Matisse, dans “Figure décorative sur fond ornemental” change un sein de place, il recouvre l’ancien sein, mais on le voit encore un peu, c’est une hésitation, c’est un repentir.
Un travail de photomontage est judicieux à proposer aux enfants car ce principe de déplacements des morceaux donne confiance aux enfants, cela évite d’avoir peur du mauvais geste ou de la rature. C’est comme avec une palette graphique on peut revenir à l’étape d’avant mais, c’est une autre histoire.


Les enfants peuvent avoir confiance grâce à ce principe de déplacement, néanmoins, c’est difficile de repérer “les choses” dans ces migrations de pièces. Ce ballet se transforme vite en casse-tête insoluble et donne envie de tout abandonner.
Mon photomontage a vraiment commencé à partir du moment où le prof m’a donné des consignes sévères.
La première consigne du prof fut pour m’imposer une “image support” assez grande. Auparavant, je manipulais beaucoup trop de morceaux de journaux publicitaires sur un fond blanc, et je n’arrivais pas à me stabiliser, il y avait trop de possibilités que je ne voyais pas.
Puis, le prof m’a imposé une autre image. J’avais donc deux affichettes publicitaires sur ma table.
Le prof m’a demandé de ne plus faire qu’une image avec ces deux affichettes ; ça sera “mon futur photomontage !”

Je ne devais faire qu’une image avec les deux, la première devra rester le support. C’était un défi qu’il me lançait !

Mixer les deux images ! c’est à partir du moment où j’ai su ce que je devais faire, que j’ai commencé à créer et à prendre du plaisir. C’est aussi à ce moment-là que j’ai compris à quel point le guidage de la consigne avec élèves est important.

…J’avais proposé une activité de montage photo à mes élèves, ma consigne était trop vague, trop ouverte. Elle convenait pour certains enfants, mais, pour la majorité, elle les perdait. Les élèves manquaient d’explications, ils erraient poliment et finissaient par s’ennuyer à ne rien trouver ; il y avait trop de possibilités impossibles à repérer pour quelqu’un qui apprend à voir. Il faut réduire les possibilités !

"Contre toute attente, ce qui suscite l’imagination n’est pas la liberté mais la contrainte ; formuler des consignes, c’est donner des critères de réussite." 
Philippe Meirieu.

" L’art vit de contraintes et meurt de libertés. "
 Paul Valéry

Contraintes efficaces : proposez deux images noir et blanc à découper en une quinzaine de morceaux chacune.
Découpez ou déchirer des morceaux de différentes tailles, des petits et des grands. Découper ou déchirer des formes autres que des formes quelconque de patates.
Il est souhaitable de ne pas découper les contours des objets.
Il peut être judicieux de découper ou de déchirer les deux images sans les regarder, par leur verso pour ne pas trop hésiter.

J’ai manipulé les affiches que j’avais décomposées en morceaux de tailles différentes, je les faisais glisser. J’ai voulu rééquilibrer les liens entre la femme et l’homme. J’ai cherché à faire apparaître les liens qui les unissent dans la vie, liens amicaux, familiaux, et amoureux.



J’ai cherché à transmettre quelque chose, je ne sais pas bien quoi, c’est normal m’a rétorqué le prof, c’est même impossible de l’anticiper. Il faut s’enlever l’idée de « pré-voir ». On ne voit rien à l’avance !
Mes manipulations n’étaient plus faites au hasard, elles sont suscitées par une réflexion. Je pensais aux artistes dadaïstes qui se révoltaient contre tout.

“ Nous avions assisté à l’effondrement dans le ridicule et la honte de tout ce qui nous avait été donné pour juste, pour beau, pour vrai… Mes œuvres à cette époque n’étaient pas destinées à séduire, mais à faire hurler.” 
Max Ernst 1919.

Mais, fâcheusement, comme les enfants, je suis restée très concrète et j’ai eu du mal à détourner les objets découpés ou à changer les objets de leur contexte; je choisissais une jambe pour une jambe ou un autre morceau qui ressemblait à une jambe et qui remplacerait la jambe… Il faut oublier la jambe et ne voir qu’un morceau de papier qui a une certaine forme. Il faut retourner le morceau/jambe. Si l’on coupe le morceau/jambe dans le sens de la longueur, il n’y a plus de jambe. Il faut agir ainsi le plus souvent et retourner les pièces quand le sens premier est trop prégnant.
Alors, il est indispensable de ne pas découper les contours des objets.


Si on désire détourner les objets de leur signification, il faut choisir des objets peu connus ou complexes en les recherchant dans des vieilles revues rares noir et blanc. Le noir et blanc est plus simple à manipuler que les nombreuses couleurs.
Il faut s’entraîner à jouer avec la signification première du morceau découpé.
La plupart du temps, il faut oublier de « reconnaître » et seulement « voir » comme pour la première fois de sa vie… Ce n’est pas facile de se mettre dans cette situation.


Max Ernst travaille souvent avec des images dessinées et hachurées, mais le photomontage appelé “ le Rossignol Chinois” est en nuances de gris photographique.



Une bonne reproduction serait intéressante à étudier avec les élèves.
La technique de Max Ernst serait décelable par les élèves ; les doigts de la poupée sont grossièrement découpés. On verrait les coups de ciseaux, les élèves comprendraient certaines actions de l’artiste, mais c’est bien difficile de s’en rendre compte sur l’image ci-jointe prélevée sur le net.
Ce qui est bien visible sur ce photomontage, c’est que Max Ernst a découpé les morceaux en suivant les contours !

Sur cette image, c’est l’inverse, tous les morceaux forment un tout cohérent. La bombe à ailettes pour la masse du visage, l’éventail collé sur le sommet de la bombe pour matérialiser la crête du rossignol. Nous avons l’impression de voir par transparence la partie supérieure de la bombe à ailettes sous l’éventail, en fait c’est la forme de la bombe qui correspond exactement à la forme de l’armature de l’éventail. Le choix de ces deux éléments est vraiment très judicieux.
Tout est tellement bien unifié qu’on ne voit pas ce qui est de l’image initiale et ce qui est des apports collés.

C’est la colle qui relie matériellement les différents morceaux d’images ; le foin, la bombe, l’éventail, l’œil, les mains, mais c’est par l’esprit et la réflexion que le collage prend tout son sens. Un photomontage fonctionne par associations d’idées. Le photomontage bouleverse les rapports connus entre les objets, il propose des rapports inattendus.

Max Ernst;
 « Si ce sont les plumes qui font le plumage ce n’est pas la colle qui fait le collage »

Pour en finir avec le plumage, je rapporte un « collage en volume » de Picasso, c’est « un assemblage » : il décide que la selle d’une bicyclette sera la tête d’un taureau. Par-dessus la selle, il retourne un guidon de vélo de course qui devient les cornes du taureau ; Picasso est un maître de la combinatoire !