vendredi, juillet 04, 2008

Abstraction débridée et bridée.



































(Les suites de noms qui vont suivre ne sont pas destinées à effrayer mais plutôt à aider ceux qui désireraient aller plus loin et découvrir quelques reproductions de ces artistes sur internet.)







Au VIIIe siècle, les Musulmans ne doivent pas vénérer un messie en image bi ou tri dimensionnel, ça serait de l’idolâtrie. La représentation artistique ne va donc être qu’abstraite, géométrique et calligraphique.
( Lire l’article consacré à l’art arabo-islamique.)
Au IXème siècle, la religion Chrétienne, incite les peintres à faire des images qui favoriseront la foi des fidèles puisqu’ils se référeront à toutes ces personnalités peintes. Les images seront en quelque sorte ”la Bible des illettrés”, elles renverront à la surréalité religieuse.
Donc deux situations de départ différentes et deux manières différentes de réagir aux images.


♠ En Orient, on peut peut-être dire que la peinture est abstraite depuis le VIIIe siècle.
♠ En Occident, on n’a pas peint abstrait avant 1910.
Avant le XXième siècle, les peintres ne peignaient que des paysages et des personnages.
C’est Wassily Kandinsky qui en 1910 fait le pas sur le côté et ce ne fut pas facile. En 1940, Pollock va se déchaîner.
(Lire sur ce blog les deux articles consacrés l’un à Kandinsky, l’autre à Pollock.)

♠ À l’origine, le geste de l’homme préhistorique est sans doute du même ordre que le geste de Pollock. Le chaman fait glisser ses dix doigts dans l’argile fraîche de la grotte de Gargas par plaisir et par expression.

♠ Toutefois, il ne faut jamais parler d’abstraction lorsque l’abstraction n’est seulement qu’une stylisation.
(Dans l’art des civilisations anciennes, ce qui est quelquefois compris comme de l’abstraction n’est que de la figuration simplifiée et géométrisée. Celle d’un oiseau par exemple ; la figuration aujourd’hui énigmatique n’était pas le point de départ pour l’artiste mais le point d’arrivée. C’est la contraction de la forme représentée jusqu’au signe. Ce furent des images qui de copies en copies ont fini par être schématisées par simplification plus ou moins voulue; il ne faut donc pas confondre ces signes inidentifiables à de l’abstraction volontaire.)



Il faut avoir une pensée admirative pour Kandinsky et les premiers pionniers qui furent satisfaits de peindre des taches, des lignes des formes qui ne faisaient référence à rien d’autres qu’à elles-mêmes.

En 1890, Maurice Denis écrivait ;
« Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue, ou une quelconque anecdote est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées.»
L’illusion vient de ce “certain ordre”.
Quand Kandinsky fit ses premiers essais de lignes de formes et de couleurs pour rien, pour le plaisir ?, il revint assez régulièrement vers une certaine figuration. Il était influencé par sa culture et par son entourage.

Aujourd'hui encore, un siècle plus tard, peignez quelques taches, assemblez-les, composez-les et écoutez les personnes qui jettent un coup d’oeil par-dessus votre épaule;
“Ça représente quoi?”
C’est une question angoissante pour le débutant hésitant qui peint qui ose s’exprimer par la couleur, les formes et les lignes.
Suivant votre milieu social, vous n'échapperez pas à cette réflexion.
Beaucoup de personnes n’imaginent pas encore que l’on puisse dessiner et peindre autre chose qu’un personnage, un paysage !

Lors de sa période folle et créative à Munich, entre 1910 et 1920, les coups de pinceaux de Kandinsky étaient libres. Ces lignes, ses formes ne s’inscrivent pas dans des cadres rigides, tout est peint avec énergie et libération.

(Par la suite Kandinsky va se freiner, il va géométriser ses formes comme d’autres.
De 1920 à 1940, les peintres abstraits européens ne seront presque qu’arithmétiques et géométriques, comme le sont les artistes arabo-islamiques depuis des siècles.
Le peintre le plus catégorique sera Mondrian par le choix de ses verticales ses horizontales et de ses quelques couleurs.
(Malevitch, Van Doesbourg, Vantongerloo, van der Leck, Moholy Nagy, Rodtchenko et bien d’autres suivent des pistes assez proches pour des raisons différentes. Voir des repros sur internet.)
En 1910, Kandinsky avait peint de manière débridée, décontractée, vivante et rapide, quel dommage que cette voie n’ait pas été poursuivie par d’autres ! C’est la géométrie qui l’a emportée, même Sonia et Robert Delaunay peignèrent des arcs de cercles colorés accolés de manière systématique.)



Pendant ce temps Picasso, Ernst, Miro, Dali peignaient leurs idées de réalisme bien différent de celui de la Renaissance.
La peinture abstraite et géométrique coexistait donc avec une forme de peinture figurative. Il y avait des luttes d’influence, chacun était peut-être persuadé que son système allait l’emporter sur l’autre.


En 1910, Kandinsky peignit avec vivacité et élégance des lignes des formes et des points.
En 1940, de l’autre côté de l’Atlantique, un peintre américain passe à la vitesse supérieure; la peinture va gicler et couler des pots et atterrir sur la toile avec violence.
Il a sans doute deux raisons qui expliquent cette violence et ce nouveau type d’abstraction:
1- Cette nation vient de recevoir beaucoup d'artistes occidentaux qui ont fui le nazisme. Le pays aurait donc profité de leurs recherches.
2- Ce jeune pays d’immigrés en pleine révolution industrielle innove en tout.

Le peintre américain de cet après-guerre qui est prêt à toutes sortes d’innovations picturales est Jackson Pollock. C’est lui que l’on connaît le mieux aujourd’hui. Il est devenu le symbole porte-parole de la grande peinture américaine. Il n’y avait pas de peinture avant-gardiste avant lui aux U.SA. Il est devenu emblématique. Il a peint de manière radicale.
- Oui, c’est vrai, mais il en a eu des artistes qui lui ont défriché la route.
Pollock s’est largement inspiré d’Arshile Gorky !
Gorky est un européen protégé d’André Breton réfugié aux U.S.A. en 1940. Il peint des drôles de formes molles et colorées proches de ce que l’on voit dans nos rêves très incertains qui laissent des souvenirs imprécis le matin. Gorky est peintre Surréaliste, il n’est pas peintre abstrait, mais on ne peut pas reconnaître ce qu’il peint… Il donne des titres énigmatiques à ses œuvres. Ces titres font références à des images; “Le foie est le peigne du coq”.
Pollock connaît bien l’oeuvre de Gorky qui est aux U.S.A.
Certaines de ses premières oeuvres ressemblent à celles de Gorky.
À ses débuts Pollock voit encore “des êtres” dans ses filaments de peintures et ses taches, mais il finira par le plus rien y trouver et aimer sa peinture sans représentation. Lui, différemment de Gorky, va donner des titres sans ambiguïté; “Number one, Number two, etc."
Sans doute se disait-il ;
- Ne cherchez pas identifier quoi que ce soit, mes toiles se suivent, je les numérote pour les identifier et me souvenir de leur ordre de réalisation, c’est tout.
Il est devenu vraiment peintre abstrait.



Géométrie et aridité.


En Europe dans les années 20, l’abstraction géométrique et arithmétique renverse les recherches abstraites débridées de Kandinsky. Cette peinture se définit par le choix strict de quelques couleurs de quelques formes et de quelques lignes.
Aux États-Unis en 1960, il va apparaître ou se poursuivre ce même type de réaction et peut-être encore plus hermétique et définitif, plus aride, plus systématique. Les lignes se raréfient, les couleurs sont limitées.
(Barnett Newman, Ad Reinhardt, Franck Stella, Ellsworth Kelly, Cy Tombly, Rothko.)
Cette peinture aride a du sens.
Rothko est à la recherche d’une peinture propre à saisir “le fini comme l’infini”, sa peinture est une “table de méditation”.
C’est sans doute une quête assez différente de celle de Pollock qui considère que c’est l’action sur la toile qui est importante et même vitale. Agir sur la toile est la motivation première de tous ces peintres de l’Expressionnisme Abstrait, de l’Action Painting.
Ce qui fédère ces peintres, c’est l’osmose du corps du créateur avec son oeuvre. Leur action/peinture participe à la même existence métaphysique que l’existence de l’artiste.
(Les peintures de De Kooning, Motherwell, Franz Kline, Clyfford Still, Marc Tobey, Gotlieb, Morris Louis sont puissantes, farouches et géantes.)



En Europe, juste après la Seconde Guerre Mondiale, des artistes ont suivi de près ce mouvement “Expressionniste Abstrait” américain autour de Pollock.
En France, ce mouvement pictural calligraphique et gestuel s’appelle l’Abstraction Lyrique, l’Art Informel ou le Tachisme.
Il y a autant de différence entre l’abstraction géométrique et l’abstraction lyrique qu’il y en a entre un jardin à la française et un jardin à l’anglaise.
Pour Willem De Kooning, rien n’est moins clair que la géométrie.

(En France : Hans Hartung, Soulages, Sam Francis, Roger Bissière, Poliakoff, Georges Mathieu, Maurice Estève, Michaux, Nicolas de Staël, Riopelle, Bazaine, Atlan, Jean Degottex, François Morellet, Simon Hantaï.)

Les artistes français de ce mouvement ne sont pas des peintres à la traîne des peintres américains, ils ont leurs petites particularités. Néanmoins, il est sans doute possible de comparer ces peintres français aux chanteurs rock français, Johnny Hallyday, Eddy Mitchell qui reprenaient les musiques américaines de Jerry Lee Lewis, d’Elvis Presley, etc. Ce furent des diffuseurs de la musique américaine en France.

Résumé de la chaîne des influences !

… Les peintres français abstraits lyriques d’après la seconde guerre ont suivi la peinture de Pollock. Pollock lui-même doit sa peinture à l’Européen Arshile Gorky qui la doit lui à André Masson, un peintre Surréaliste influencé par les peintres Symbolistes.

Mais ce qui a le plus influencé les artistes américains et européens entre 1945 et 1955 c’est la peinture extrême-orientale…
Et particulièrement la calligraphie asiatique et l’esprit philosophique inhérent à cette pratique. C’est le mystère des gestes des maîtres extrême-orientaux qui a hanté ces artistes. Ils ont tous eu la volonté de comprendre l’esprit de cette peinture gestuelle.
Sans vraiment l’avouer, ils découvrent le moteur profond de la peinture et de la calligraphie asiatique; l’acte de peindre semble plus important que la peinture elle-même.
Néanmoins, Pollock cherche plus ses origines du côté des indiens Navajos, les plus anciens habitants du territoire. Pour cet Américain, la toile installée au sol est une arène dans laquelle il doit se défendre, il est en transe comme un chaman ce qui le ramène aux peintres de la préhistoire.

C’est aussi ce que recherchaient dans la peinture les peintres du mouvement Cobra. Ils sont restés figuratifs, mais ils recherchaient ce qu’il y avait de plus primitif en eux, de plus violent, de plus viscéral avec exubérance et humour.
(Voir l’article sur ce blog consacré à ce sujet Cobra ; Karel Appel, Alechinsky, Asger Jorn.)







Cette réflexion s’arrête en 1960 c’est la période du Pop Art et ça n’a plus rien à voir avec l’abstraction.
























mercredi, juin 18, 2008

Collage/Photomontage/Rossignol











N'oubliez pas d'agrandir les images s'il vous plaît.



























D’après Anne, étudiante 2007.

Le photomontage.

“Le photomontage” n’est pas à confondre avec “le collage”.


Le collage est une technique expérimentée par les cubistes. Ils pouvaient placer un morceau de toile cirée imprimée sur une vraie peinture à l’huile ou coller franchement un morceau de journal, un ticket de métro dans la peinture fraîche. Le collage fut une pratique courante de Picasso, de Braque, de Schwitters à partir de 1910.




Le photomontage, c’est différent. C’est une pratique de découpage d’éléments de reproductions photographiques ré-assemblés dans un certain ordre et collés.
Les morceaux sont recollés pour former une autre image. Cette nouvelle image perturbée est presque vraisemblable, mais elle dérange puisque l’on ne la reconnaît plus comme étant véridique. Elle n’est plus une “reproduction photographique” et donc, elle dérange l’esprit.

Max Ernst est le maître du “photomontage”. Il a découpé et transformé des images hachurées de revues illustrées déclassées du début du XXe.

Max Ernst disait qu’il voulait que personne ne sache comment il a procédé. Il n’aimait pas qu’on regarde de trop près son original collé qui avait trop de défauts selon lui: ses collages étaient un peu sales comme un peu tous les collages. On y distinguait des traces de colle, le papier est un peu froissé et les coups de ciseaux sont quelques fois incertains.
Aujourd’hui avec la colle en bâton, c’est plus aisé de coller et le résultat est plus propre.



Max Ernst eut recours à la reproduction photographique de ses photomontages de manière à cacher les imperfections.

Ce choix délibéré de dissimuler les marques de fabrique m’a surpris. J’ai moi aussi pris mon photomontage en photo. J’ai été séduite par l’image que j’avais sur le petit moniteur de l’appareil photo numérique à quelques centimètres de mon œil droit. Je fus plus abusée par cette petite image que par mon assemblage qui était sur la table. La pratique de Max Ernst m’a rassuré puisque je ne voulais pas moi aussi que l’on sache comment j’avais procédé.

Ensuite la photographie imprimée m’a permis un changement d’échelle. Le collage sur papier à la colle bâton est passé de 50 X 60 à 30 X 40 centimètres.
Considérer ce nouveau format c’est regarder une autre réalisation !

Ma reproduction réduite sera vraiment ma réalisation, mais en art, ça peut être l’inverse.
Par exemple, la grande toile de Monet à l’Orangerie, “Les Nymphéas”, m’a beaucoup émue. L’organisation des flous par toutes ses touches virevoltantes de pinceau est tellement plus étonnante que la vue d’une reproduction, et, je n’avais vu que cela jusqu’ici !



Même lorsque les dimensions sont indiquées sous la repro, on ne peut pas imaginer le vrai tableau, il faut le voir de près, il faut pouvoir varier la distance de regard… Quel dommage que nous n’ayons pas le droit de toucher la peinture, mais il n’est plus comme à l’origine… l’odeur de térébenthine et d’huile de lin se sont dissipées…

Le nez dessus, on peut comprendre et apprendre le geste pictural de l’artiste ; on voit les jus, les glacis et les légers empâtements. Quand on s’éloigne, le tableau se dévoile dans son ensemble.
Il est nécessaire d’aller au musée, de voir une peinture originale, car la vision d’une reproduction sur papier imprimé même de grand format ne fait pas voir la peinture.
Une reproduction ne dégage pas le même aura que l’original, c’est évident.

Ce qui est contradictoire, c’est que j’apprécie chez Monet le contraire de ce que j’explique vouloir pour mon photomontage !
Oui je dis le contraire, puisque j’affirme comme Max Ernst, que ma reproduction à l’imprimante sur papier glacé met plus en valeur mon travail original plutôt mal fagoté.



Comment je suis arrivée à ma production, ou plutôt à ma reproduction, quelle est ma démarche ?

Le “découpage”, la “combinatoire des pièces” et enfin le “collage” sont trois activités ludiques.
Les dés ne sont pas jetés tant que les pièces ne sont pas fixées tant que je n’ai rien collé. Et même si j’ai collé, rien ne m’empêche de décoller avec soin, de redécouper ou de recoller une autre pièce par-dessus.

Faire et défaire est le propre du photomontage et du collage.



Une nouvelle idée de placement est toujours possible.
Déplacer les papiers permet les hésitations sans avoir à tout recommencer.

En peinture, il est plus difficile de changer les éléments de place et ce n’est pas toujours évident de modifier ce qui a été peint. Certaines retouches sont délicates et peuvent mettre en péril la production. Matisse, dans “Figure décorative sur fond ornemental” change un sein de place, il recouvre l’ancien sein, mais on le voit encore un peu, c’est une hésitation, c’est un repentir.
Un travail de photomontage est judicieux à proposer aux enfants car ce principe de déplacements des morceaux donne confiance aux enfants, cela évite d’avoir peur du mauvais geste ou de la rature. C’est comme avec une palette graphique on peut revenir à l’étape d’avant mais, c’est une autre histoire.


Les enfants peuvent avoir confiance grâce à ce principe de déplacement, néanmoins, c’est difficile de repérer “les choses” dans ces migrations de pièces. Ce ballet se transforme vite en casse-tête insoluble et donne envie de tout abandonner.
Mon photomontage a vraiment commencé à partir du moment où le prof m’a donné des consignes sévères.
La première consigne du prof fut pour m’imposer une “image support” assez grande. Auparavant, je manipulais beaucoup trop de morceaux de journaux publicitaires sur un fond blanc, et je n’arrivais pas à me stabiliser, il y avait trop de possibilités que je ne voyais pas.
Puis, le prof m’a imposé une autre image. J’avais donc deux affichettes publicitaires sur ma table.
Le prof m’a demandé de ne plus faire qu’une image avec ces deux affichettes ; ça sera “mon futur photomontage !”

Je ne devais faire qu’une image avec les deux, la première devra rester le support. C’était un défi qu’il me lançait !

Mixer les deux images ! c’est à partir du moment où j’ai su ce que je devais faire, que j’ai commencé à créer et à prendre du plaisir. C’est aussi à ce moment-là que j’ai compris à quel point le guidage de la consigne avec élèves est important.

…J’avais proposé une activité de montage photo à mes élèves, ma consigne était trop vague, trop ouverte. Elle convenait pour certains enfants, mais, pour la majorité, elle les perdait. Les élèves manquaient d’explications, ils erraient poliment et finissaient par s’ennuyer à ne rien trouver ; il y avait trop de possibilités impossibles à repérer pour quelqu’un qui apprend à voir. Il faut réduire les possibilités !

"Contre toute attente, ce qui suscite l’imagination n’est pas la liberté mais la contrainte ; formuler des consignes, c’est donner des critères de réussite." 
Philippe Meirieu.

" L’art vit de contraintes et meurt de libertés. "
 Paul Valéry

Contraintes efficaces : proposez deux images noir et blanc à découper en une quinzaine de morceaux chacune.
Découpez ou déchirer des morceaux de différentes tailles, des petits et des grands. Découper ou déchirer des formes autres que des formes quelconque de patates.
Il est souhaitable de ne pas découper les contours des objets.
Il peut être judicieux de découper ou de déchirer les deux images sans les regarder, par leur verso pour ne pas trop hésiter.

J’ai manipulé les affiches que j’avais décomposées en morceaux de tailles différentes, je les faisais glisser. J’ai voulu rééquilibrer les liens entre la femme et l’homme. J’ai cherché à faire apparaître les liens qui les unissent dans la vie, liens amicaux, familiaux, et amoureux.



J’ai cherché à transmettre quelque chose, je ne sais pas bien quoi, c’est normal m’a rétorqué le prof, c’est même impossible de l’anticiper. Il faut s’enlever l’idée de « pré-voir ». On ne voit rien à l’avance !
Mes manipulations n’étaient plus faites au hasard, elles sont suscitées par une réflexion. Je pensais aux artistes dadaïstes qui se révoltaient contre tout.

“ Nous avions assisté à l’effondrement dans le ridicule et la honte de tout ce qui nous avait été donné pour juste, pour beau, pour vrai… Mes œuvres à cette époque n’étaient pas destinées à séduire, mais à faire hurler.” 
Max Ernst 1919.

Mais, fâcheusement, comme les enfants, je suis restée très concrète et j’ai eu du mal à détourner les objets découpés ou à changer les objets de leur contexte; je choisissais une jambe pour une jambe ou un autre morceau qui ressemblait à une jambe et qui remplacerait la jambe… Il faut oublier la jambe et ne voir qu’un morceau de papier qui a une certaine forme. Il faut retourner le morceau/jambe. Si l’on coupe le morceau/jambe dans le sens de la longueur, il n’y a plus de jambe. Il faut agir ainsi le plus souvent et retourner les pièces quand le sens premier est trop prégnant.
Alors, il est indispensable de ne pas découper les contours des objets.


Si on désire détourner les objets de leur signification, il faut choisir des objets peu connus ou complexes en les recherchant dans des vieilles revues rares noir et blanc. Le noir et blanc est plus simple à manipuler que les nombreuses couleurs.
Il faut s’entraîner à jouer avec la signification première du morceau découpé.
La plupart du temps, il faut oublier de « reconnaître » et seulement « voir » comme pour la première fois de sa vie… Ce n’est pas facile de se mettre dans cette situation.


Max Ernst travaille souvent avec des images dessinées et hachurées, mais le photomontage appelé “ le Rossignol Chinois” est en nuances de gris photographique.



Une bonne reproduction serait intéressante à étudier avec les élèves.
La technique de Max Ernst serait décelable par les élèves ; les doigts de la poupée sont grossièrement découpés. On verrait les coups de ciseaux, les élèves comprendraient certaines actions de l’artiste, mais c’est bien difficile de s’en rendre compte sur l’image ci-jointe prélevée sur le net.
Ce qui est bien visible sur ce photomontage, c’est que Max Ernst a découpé les morceaux en suivant les contours !

Sur cette image, c’est l’inverse, tous les morceaux forment un tout cohérent. La bombe à ailettes pour la masse du visage, l’éventail collé sur le sommet de la bombe pour matérialiser la crête du rossignol. Nous avons l’impression de voir par transparence la partie supérieure de la bombe à ailettes sous l’éventail, en fait c’est la forme de la bombe qui correspond exactement à la forme de l’armature de l’éventail. Le choix de ces deux éléments est vraiment très judicieux.
Tout est tellement bien unifié qu’on ne voit pas ce qui est de l’image initiale et ce qui est des apports collés.

C’est la colle qui relie matériellement les différents morceaux d’images ; le foin, la bombe, l’éventail, l’œil, les mains, mais c’est par l’esprit et la réflexion que le collage prend tout son sens. Un photomontage fonctionne par associations d’idées. Le photomontage bouleverse les rapports connus entre les objets, il propose des rapports inattendus.

Max Ernst;
 « Si ce sont les plumes qui font le plumage ce n’est pas la colle qui fait le collage »

Pour en finir avec le plumage, je rapporte un « collage en volume » de Picasso, c’est « un assemblage » : il décide que la selle d’une bicyclette sera la tête d’un taureau. Par-dessus la selle, il retourne un guidon de vélo de course qui devient les cornes du taureau ; Picasso est un maître de la combinatoire !



















vendredi, mai 02, 2008

Dubuffet/Hourloupe/Pâte.


















Jean Dubuffet pourrait être mon grand-père.




Mon grand-père aurait le même âge que lui. Ils sont tous les deux morts en 1985. Je préfère mon grand-père à Dubuffet, mais il aurait été pas mal non plus pour grand-père.
J’ai beaucoup de souvenir de mon grand-père dans les années 60, j’avais 12ans, il avait 60 ans, il est né avec le siècle, Jean Dubuffet, l’année d’après.
C’est dans les années 60 que Dubuffet devint Hourloupeur professionnel. Il dessina des réseaux compliqués de lignes qu’il rayait tantôt de rouge tantôt de bleu, tout le monde connaît cela de lui.
Il en a eu marre au bout de dix ans.
Il avait mis au point ce système méthodique et systématique un peu par hasard, en répondant au téléphone pour s’occuper les mains.
Il n’y avait pas le téléphone chez ma mère, fille de mon grand-père.
Personne ne dessinait en téléphonant, il n’y a jamais d’Hourloupe sur les calepins de la maison bien aride en papier et en stylo-bille.
Dubuffet agissait à Paris loin de la radio, le seul média qui aurait pu nous atteindre dans notre campagne.




Ce n’est que dans les années 80 que j’ai connu ce curieux bonhomme qui avait fait bien autre chose avant d’être obsédé par ses réseaux méthodiques noir sur blanc rayé de rouge et de bleu. J’avais plus de trente ans.



Précédemment, dans les années cinquante, jean Dubuffet était dans l’enduit, dans la pâte, dans la peinture épaisse dans lesquelles il additionnait toute sorte de saloperie qui donnait de l’épaisseur à ses supports plats qui prenaient l’allure de pizza ou de vieux murs abîmés et craquelés.




À cette époque, ses œuvres picturales sont des bouillies qui donnent l’impression d’avoir séjournées trop longtemps dans un four trop chaud. Peut-être aussi que ça donne l’impression d’être un bout de trottoir macadamisé badigeonné sur une grande plaque de bois et accroché verticalement aux cimaises des galerie aux murs blancs.

Mon grand-père avait passé le certificat d’étude avant la première Guerre Mondiale, Dubuffet aussi sans doute, même plus… Mais par la suite Dubuffet a essayé d’oublier qu’il savait plein de choses en histoire, en géographie, en tout. Alors que mon grand-père, lui, a essayé de toujours en savoir plus, mais ça n’a rien donné.



Dubuffet aurait voulu tout oublier son savoir et être aussi pur qu’un abruti, qu’un aliéné ou qu’un enfant de maternelle. Il s’en est approché, mais il n’y est jamais parvenu. Il s’est rendu compte que plus il essayait d’oublier son érudition plus il emmagasinait des connaissances culturelles, ce qui était le contraire de ce qu’il cherchait. Il a bien été obligé de le reconnaître à la fin de sa vie.

Pendant ce temps, mon grand-père travaillait dur et il essayait de maintenir ses connaissances qui n’augmentaient pas beaucoup puisqu’il vivait au rythme harassant des foins, des regains, des moissons, des patates, sans amis intelligents pour le titiller sur sa culture.

















vendredi, avril 18, 2008

Sa muse/Musée/Amusez-vous.






















« J’aime pas aller dans les musées… »

M’a répondu la petite fille de mon amie qui venait de passer une heure et demie avec le retable d’Issenheim. Ces parents l’y traîne souvent.



Pourquoi un enfant s’intéresserait-il à une œuvre dans un musée ?
Sa Muse, ça t’use, ça l’use tes salades.

Pourquoi aimerait-il une œuvre accrochée au musée ? Que l’œuvre soit ancienne, moderne ou contemporaine, ça change quelque chose ?

C’est très difficile de le savoir; je n’ai pas eu la chance d’avoir la malchance d’avoir des parents qui me conduisaient au Musée. Mes parents ne se déplaçaient pas, tout était loin de notre campagne sans voiture.
Quand me suis-je rendu au musée pour la première fois ?
Peut-être fusse lors d’une permission de marin à Paris entre Brest et Epinal en 1965 ?
J’avais 17 ans. Je me suis rendu entre deux trains au musée d’art Moderne de Paris, j’ai heurté une exposition de Rauschenberg par hasard.
De la peinture de toutes les couleurs, qui dégoulinait sur un aigle empaillé accroché à une toile encadrée d’or ou autre chose… Et beaucoup d’autres peintures aussi dingues que celle-ci !
J’en fus surpris et admiratif, séduit chaviré, sacrément stupéfait de savoir que quelqu’un puisse se permettre cela alors que moi j’étais marin militaire au pas.
J’ignore aujourd’hui comment j’ai pu me rendre seul dans ce lieu entre Brest et Epinal, c’était une décision personnelle, 40 ans plus tard, c’est une énigme.
L’initiative est sans doute la meilleure façon de se rendre au musée. La motivation est nécessaire. Bien plus tard encore, il s’en est suivi une curiosité, presque un manque, ça s’est passé comme cela pour moi.
Mais, je ne pense qu’il soit nécessaire d’attendre si longtemps pour se décider d’aller dans un musée par curiosité. Il y a sans doute d’intelligentes manières de drainer les enfants aux musées.

Les Anglais ont rendu les musées gratuits depuis 2000. J’ai bénéficié de cette gratuité lors de voyages de travail. Assez souvent, je suis entré dans les musées londoniens pour seulement une demi-heure puisque je travaillais jusqu’à 17h oo. Si l’entrée avait été payante, je n’y serais pas entré pour si peu de temps.
Je me suis réjoui de cette gratuité, mais la gratuité ne suffit pas à faire changer les comportements. Une enquête montre que ce sont les mêmes catégories sociales qui ont continué à fréquenter les musées gratuitement. Il y a eu peu de changement, les catégories sociales qui n’y rendaient ne s’y sont toujours pas rendues.
Le constat est donc assez décevant, mais pas surprenant. Pourquoi entrerait-on dans un lieu incompréhensible donc hostile?
Les professionnels de ces lieux dont je fais partie peuvent ne pas comprendre pourquoi les débutants ne font pas l’effort de se déplacer pour comprendre quand c’est gratuit.
« N’entrez dans ce lieu que si vous y avez vraiment envie » C’est Paul Valéry que je cite de mémoire, il aurait aimé que cet adage soit affiché sur les frontons des musées, ça limiterait les dégâts causés.



Des générations d’enfants des écoles et des collèges ont été dégoûtées par leurs premières approches avec les œuvres d’art. Des enfants ont détestés les musées pour y avoir été avec les parents, d’autres enfants ont continué à s’y rendre.
Les premières fois que l’on va au musée, on devrait être pris en charge comme lorsque l’on rentre à l’hôpital.



Autrement dit, les premières fois, on devrait profiter de son environnement scolaire favorable et compétent. C’est par l’éducation que ce fera cette fréquentation des musées !



L’enseignant est la personne idéale, c’est elle qui connaît le mieux les enfants. C’est elle qui doit préparer l’initiation, plutôt, l’invitation. Le professeur peut choisir le temps de la visite, il a du temps avant et après la visite. Il choisira seulement quelques œuvres. Il peut préparer sans image. La photocopie noir et blanc d’une oeuvre fera préférée à une bonne reproduction, vous aurez ainsi plus de chance qu’il y ait une surprise devant l’original.
Par exemple, devant le « Job raillé par sa femme » de Georges de la Tour du musée d’Épinal, il est intéressant de passer du noir et blanc sur petit format en classe aux couleurs rouges orangées de ce grand cadre devant lequel on va s’asseoir pour faire des suppositions rocambolesques sur la présence de ces deux personnages si proches l’un de l’autre.

Résumé : non seulement entrer dans un musée est difficile, mais de plus il faudrait que les œuvres plaisent d’emblée aux enfants !

Il est facile de répondre que cela dépendra plutôt de la qualité des interventions des enseignants devant les œuvres que des œuvres elles-mêmes. Toutefois, les enseignants peuvent souvent avoir recours au service éducatif du musée qui savent rendre la plupart du temps les visites attrayantes. C’est une solution intéressante, en tout cas bien meilleure que celle de l’enseignant incompétent qui dégoûtera ses élèves.

Est-ce plus judicieux que de commencer par Cimabue 13e, Vinci, Géricault, Monet 19e, Picasso, Pollock, Barcelo 20e ? Incontestablement, c’est Barcelo qui aura la faveur du groupe avec lequel vous pouvez faire cet essai. L’art Contemporain peut séduire assez facilement les enfants ; une nature morte de ce peintre est si surprenante par ses matières.

Une collégienne m’avoua dans la grande galerie du Louvre qu’elle, « n’était pas attirée par tous ces tableaux qui ont tous le même style italien sombre trop foncé avec des femmes nues, c’est absurde.» Un autre collégien surenchérit en remarquant qu’un copiste se débrouillait mieux ; « je trouve même que la copie est mieux, les couleurs sont plus claires. »

Comment peut-on repérer qu’un tableau, qu’une sculpture est une œuvre d’art et que l’on devrait y prêter plus attention qu’à une autre ?
À Rome, un petit groupe de collégiennes s’émerveillèrent devant les sculptures baroques qui environnaient le Moïse sculpté de Michel-Ange. Elles ne regardaient pas le Moïse. Le Moïse était pourtant le clou de la visite, le but de la visite, elles le savaient. Ce qui était autour les intéressait plus. Ce n’est pas surprenant et c’est concevable. Pourquoi le Moïse serait-il le chef-d’œuvre en comparaison aux autres sculptures de bonnes qualités ?
C’est l’histoire qui place le génie de Michel-Ange avant ces maîtres de seconde catégorie. Ce n’est pas facile de préférer Moïse ce géant statique à ces êtres vivants qui se contorsionnent autour de lui.



Comment apprécier les oeuvres lorsque l’on est venu spécialement les admirer par le train ou en bus ? D’autant plus que l’école a souvent cassé la tirelire de la coopérative pour organiser cette journée ou ce séjour avec toute la classe.

Les enfants peuvent préférer les relations avec leurs camarades aux bonnes activités savantes des meilleurs professionnels de l’équipe éducative du musée?
Les relations entre élèves sont sans doute plus importantes ce jour-là que les œuvres à voir. comment inverser cet écart ?
Les deux aspect de la journée ont leur importance et il faut les respecter. Il y aurait pu y avoir auparavant une journée préparatoire, une journée sans but artistique, par exemple, une journée dans la campagne ou en ville pour le plaisir d’être ensemble, mais cette journée de précaution n’épuisera pas toutes les richesses de la vie de groupe des écoliers et des collégiens. Il est difficile de faire passer les œuvres au premier plan lorsque l’on ne sort pas souvent ave la classe.




À la fin du XIXe siècle, les critiques d’art nommaient les musées, “cimetières de l’art ”, “asile posthume” et dans le meilleur des cas “grenier de luxe”.

Il aurait pu ajouter me semble-t-il, des mots chocs comme “lieux religieux, oeuvres cadavériques, silence d’église, temple de l’art, alignements désespérants, recueillement ennuyeux, incompréhension fréquente, érudition indispensable, vieilleries ringardes si loin de la vraie vie de dehors.”
Et aussi, “obligation d’aimer au risque de passer pour un idiot. Défiler sans possibilité de s’asseoir. Ne pas pouvoir parler fort. Ne pas pouvoir boire un coup et parler d’autre chose, interdiction de rire quand une œuvre fait rire”.




38% des professions libérales et des enseignants se rendent dans les musées ; c’est le cas des parents de la petite fille qui n’aime pas les musées.
5% des ouvriers visitent les musées; mon père était maçon, j’avais peu de chance d’y aller.
55% de plus de 15 ans ne vont jamais voir d’exposition.
18% d’étudiants vont dans les musées.
Quel imbroglio !

Somme toute, il est plus facile de dire ; “Maman, puis-je regarder la télé”, que de demander; “Maman amène-moi au Musée”. Les enfants préfèrent la lumineuse lucarne télé aux vieilles lucarnes dorées des cimaises des musées aux parquets grinçants, la lutte est vraiment déloyale.














à bientôt.

lundi, février 11, 2008

Cris/Scream/Munch/Bacon




N'hésitez pas à cliquer sur les images, sinon à quoi ça sert que je me décarcasse!
Je préférerais qu'elles grossisssent lorsque l'on passe pardessus avec le curseur, mais Blogger ne le permet pas, dommage.



























Sourire.


On n’a plus le droit de sourire dans le photomaton pour une photo de carte d’identité !
Le visage doit être sans expression, sans lunette, sans cheveux qui tombent sur le front, on doit pouvoir reconnaître la personne en question immédiatement.
Peut-être qu’il ne faut plus sourire sur l’identité de la photo parce que les gendarmes et les douaniers ne veulent plus voir des petites photos qui sourient alors que la vraie tête fait la gueule du type qui a fait une connerie ce jour de contrôle d’identité.

Pleurs.




Picasso a beaucoup peint Dora Maar sa compagne d’une époque. Il l’a peinte toute pimpante et guillerette, mais à la fin de leur liaison, elle est peinte en pleurs cassés.
Il y a des peintres qui n’ont pas aimé que leurs modèles sourient en face d’eux alors que pour eux ça gazait pas ce jour-là; ils les ont donc peints mélancoliques, tristes, apeurés, en pleurs ou en train de pousser le pire cri que l’on puisse pousser de sa vie excepté celui de la naissance.

Cris.




C’est sans doute Edvard Munch qui a battu les records avec un tableau qui dit bien ce qui est à voir même si on n’a pas la peinture d’Oslo sous les yeux : «le Cri.»
Le cri de Rodin est en troisième position derrière le cri de la chair de Francis Bacon.



Gonzalez un sculpteur espagnol compatriote de Picasso a lui aussi crié ; un masque en métal dont la bouche a été traversée comme par un chalumeau.
Il y a d’autres artistes qui ont crié des oeuvres, mais peut-être pas aussi fortes que ceux-ci.





Le tableau de Munch que personne ne mettrait dans son salon de réception est un des portraits les plus connus dans le monde après La Joconde si l’on excepte les Vierges et Enfants Jésus peints par tous les barbouilleurs de plus ou moins de talent qui ont eu à cœur ce métier depuis bien avant la Renaissance de Masaccio jusqu’au 19ème siècle.
Ce masque livide en caoutchouc mou qui nous regarde de face entend… ou n’entend plus !… ou entend encore ? … On ne sait pas très bien où en sont les enclumes et les colimaçons de ses oreilles puisqu’il y plaque les mains.
Ce masque livide qui nous regarde fixement entend une sinusoïdale acoustique que nous, spectateurs, n’entendons pas. Ce son semble impossible à ouïr. Le visage en ouvre la bouche et en écarquille les yeux, ça lui creuse les joues, ça le rend tout gondolé. Un son si exceptionnel l’envahit que le paysage dans le fond en est tout ondulé et sanguinolent. La barrière et le pont grossissent par la perspective, ils grandissent comme un son aigu ténu qui s’amplifie jusqu’à sortir du cadre du tableau comme un porte-voix.

« J'étais en train de marcher le long de la route avec deux amis, le soleil se couchait, soudain le ciel devint rouge sang, j'ai fait une pause, me sentant épuisé, et me suis appuyé contre la grille, il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir et de la ville, mes amis ont continué à marcher, et je suis resté là tremblant d'anxiété, et j'ai entendu un cri infini déchirer la Nature ». Edvard Munch.

D’où provient ce son contendant ? De sa bouche ou du paysage tout entier qui se rebelle et chamboule toutes les couleurs et les lignes?
Si cette peinture était posée dans l’autre sens, tête en bas, on n’y verrait que les reflets dans l’eau d’un bonhomme et d’un ciel irisé sur une légère couche de mazout multicolore. Et l’on ne s’en étonnerait pas vraiment, car l’eau caressée par une bonne brise sait faire des belles ondulations avec les couleurs. À l’envers on accepterait ces ondulations.
Nonobstant, dans le sens où l’on doit raisonnablement regarder cette peinture, on comprend mal que tout soit devenu si guimauve, exceptés la barrière et le ponton qui nous rappellent à l’ordre des vrais charpentiers avec règle, niveau et décamètre.

Scream.


Ce type longiligne et squelettique semble être le héros en cavale des trois films de la trilogie Scream.
Trois films culte pour les amateurs d’angoisse ! Trois films de terreur qui ont incité plusieurs fois de sinistres spectateurs à passer à l’acte dès la dernière bobine. Ça aurait dû leur donner l’exemple pour y réfléchir et ne plus y penser. Il aurait fallu, au contraire qu’ils restent au stade de l’écran qui est une vraie catharsis qu’il suffit largement de vivre sur la toile et ne plus avoir envie de sortir le soir avec des trucs contendants qui rien qu’à les voir en contre jour font mal au ventre ou font liquéfier de trouille celui qui se retrouve en tête à tête, non invité, face à ce masque de carnaval en latex laiteux à la gueule bêlant cinq octaves sans reprendre son souffle.

Un élu, mais aussi père de famille, a demandé "le retrait immédiat de la vente et de la location publique de toute cassette, DVD et autre support média du film Scream". Sa réaction fait suite au meurtre d'une lycéenne de 15 ans, poignardée à mort par un camarade de deux ans son aîné qui déclara lors de son arrestation avoir "décidé de tuer quelqu'un", influencé par le film Scream de Wes Craven.



L'une des répliques de Scream dit ;
"ce ne sont pas les films qui rendent psychopathes : ils rendent juste les psychopathes plus créatifs."
Un avare sort de la pièce « l’Avare » de Molière et dit ; « j’y ai appris de bons préceptes d’avarice! »

Il y a malheureusement possibilité de confondre, « Sream 1-2-3 » qui se joue de la vie des autres, et « le Cri de Munch » qui parle de l’homme humain qui a peur de sa propre vie.
Le héros blême du cri de Munch n’est pas le clown blanc armé du cinéma qui vous cardiaque sur place. Se faire surprendre par cette tête collée sur votre porte-fenêtre est aussi coupe-gorge qu’un décor de film expressionniste de Robert Wiene.



Le type blême de Munch c’est votre propre trouille et non celle de l’autre qui vous guette en pleine nuit que l’on rencontre rarement, Dieu soit loué !
Le type de Munch c’est votre mort… Hé bien celle-là, vous allez finir par la rencontrer en tête à tête.
Munch est gagné peut-être à son insu par la philosophie du Danois Kierkegaard, pour lui la vie de l’homme est un problème qui ne recevra jamais de solution;
« Dieu hait notre existence, affirme Kierkegaard… La destination de cette vie c’est de nous porter au plus haut degré du dégoût de vivre. »
Ça peut donner envie de crier !


Le cri et la chair.


La bouche ouverte du cri traverse l’œuvre peinte de Francis Bacon. Si l’on attribue une place sur le podium à celui qui a le plus crié en peinture, c’est Bacon qui tient le pompon.
Le Centre Pompidou a titré une de ses expositions « Le cri et la chair.»
Son cri vient vraiment de la chair intérieure du corps. Avec Munch, on ne sait pas très bien d’où vient le cri. C’est sans doute une sorte de cri intérieur que l'artiste a essayé de peindre en se représentant lui même. Quel que soit le cas, cri de la chair ou cri psychique, on ne l’entend pas… La peinture ne s’y prête pas.

Le Christ brisé de Grünewald murmure en fin de course dans la nuit ;
« Mon Dieu, Mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ! » On ne l’entend pas moins fort que l’homme du ponton de Munch… On n’entend jamais rien en peinture alors que ça discute souvent de partout sur les toiles.

Le bonhomme longiligne de Munch se bouche les oreilles ce qui expliquerait en partie que nous n’entendions rien, mais nous ne sommes pas à sa place, nous sommes en face, devant le tableau en face de l’homme, sur le ponton nous aussi avec nos oreilles bien débouchées.
Le bonhomme est sans doute Munch lui-même, c’est une sorte d’autoportrait Psychologique, il allait mal en 1893…
Physiquement, il était beau garçon, certes une beauté un peu sévère qui attirait les femmes, mais lui en restait éloigné, il en a toujours eu peur.
Edvard Munch, n’a pas eu de pot dans sa jeunesse sa mère et sa sœur sont mortes de la tuberculose sans crier gare et son père était d’une obsession religieuse à rebuter une bigote. Était-ce pour tout cela que Munch voyait sa famille comme prédestinée à disparaître par des morts successives…
… Lui est mort assez vieux, à 81 ans ! (1863-1944)
Il était pourtant malade depuis le début, un drôle de truc...
- « Stop ! La vie sentimentale et affective des artistes peut ne pas avoir d’importance, seules leurs œuvres nous intéressent. »
Oui mais, ici, précisément, c’est la vie d’Edvard qui est le point d’encrage de sa peinture, il le dit lui-même avec beaucoup de lucidité ;
"Je ne voudrais pas rejeter ma maladie, car mon art lui est pour beaucoup redevable. "



Laideur.


Avec Munch et Bacon, nous sommes loin de « l’homme mesure de toute chose » de la Renaissance.
C’est pour cette raison que tous les peintres que l’on appelle les Expressionnistes se revendiquent plus des chairs en putréfaction du Christ de Grünewald que des peintures hypocrites d’un Raphaël qui ne peint que les belles courbes des beaux corps aux belles chairs.
Raphaël et Grünevald sont pourtant contemporains, l’un appartient encore au Moyen-âge et l’autre est dans la Haute Renaissance. Pour les Expressionnistes, l’un ment, l’autre pas.

Les Expressionnistes conçoivent, que l’homme peut souffrir, que ça lui arrive assez souvent, alors l’artiste peut et doit s’écarter de la beauté.
Ça se fait depuis longtemps en littérature et en poésie, Baudelaire et Rimbaud ont su écrire des vers rebutants. Pourquoi les images hésitent-elles à peindre la vie misérable ?
Pour Munch c’est un manque d’honnêteté que de ne pas montrer la pauvreté, la souffrance humaine, la colère, etc.
Une peinture n’a pas pour unique but de finir belle sur le mur du salon d’un bourgeois.
Le principal apport des peintures expressionnistes, c’est cette laideur de la vie qui doit être montrée.
On peut peindre déplaisant parce que tout n’est pas beau dans la vie ; c’est Raphaël contre Grünewald.

Bacon fait pire que Munch, il suspend l’homme au crochet du boucher. Il s’étonne toujours de ne pas être lui-même suspendu à l’étal du boucher quand il s’y rend.

Bacon, lui s’intéresse plus à la bouche qui crie et plus précisément à la chair de la bouche qui crie :
« J’aime le luisant et la couleur qui viennent de la bouche et j’ai toujours espéré être capable de peindre la bouche comme Monet peignait un coucher de soleil. » Francis Bacon.

C’est le cri d’un pape hurlant, bouche ouverte, cadré au centre de la toile, le tableau le plus célèbre de Francis Bacon ; cette peinture qui n’est tout de même pas prête de détrôner « le cri » de Munch !
Bacon a peint une variation inspirée du vrai « Portrait d’Innocent X », un vrai pape peint par Vélasquez au 17ème.



Munch a fait une cinquantaine de variantes de son célèbre tableau, des variantes qui se ressemblent toutes. Celles qu’il a reproduites en lithographie en noir et blanc sont aussi fortes que le modèle de référence en couleur.
Bacon n’a pas reproduit son Pape à succès, il l’a varié, il a décliné le cri et la chair de toile en toile, le cri humain et la chair sont devenus son leitmotiv, le cri revient souvent et de manière assez différente.

Échec.


Le pape de Bacon est dans la situation d’un condamné à mort sur son saint-siège transformé en chaise électrique, c’est scandaleux.
Le vrai pape n’aurait pas aimé ce portrait !
On pense aussi à un pape qui crierait sa douleur dans un studio d’enregistrement assis sur un siège éjectable.
Innocent X aurait peut-être aimé la portée universelle de son cri audio-visuel si tant est que l’on puisse y entendre sa foi.



Bacon peintre strie la toile écrue d’une pluie de plis bruns et jaunes, et il fonce la bouche ouverte qui devient un trou noir. Pour la bouche, Bacon fait part de son échec;
« il aurait fallu, traiter cette béance comme un soleil couchant de Monet ».
…Semi échec, car Bacon est un spécialiste des couleurs comme le cramoisi, les garances, l’abricot, les pourpres, l’indigo, il en couvre souvent les trois quarts de la toile et tant pis si la couleur n’est pas bourrée au fond de la bouche, l’effet est garanti : le drame de l’existence humaine, est le thème central de la peinture de Francis Bacon.
Ce fut aussi l’obsession de Picasso avec ses corps destructurés. Bacon a toujours reconnu l’influence exercée sur lui par Picasso.




« J’ai espéré faire un jour la peinture la meilleure du cri humain. Je n’en ai pas été capable. » Francis Bacon.



Il dit aussi à peu près ceci ; « Ce n’est que de la peinture, il n’y a pas de chair pas de sang sur mes toiles.»…Sans doute pour rassurer.
Et tout le monde admet que la photographie d’un homme tuméfié est plus désagréable qu’une peinture de Bacon parce que nous savons que cet homme a bien été face à l’objectif. L’objectif ment moins que la peinture, mais il sait mentir aussi.

















mardi, janvier 29, 2008

Infographie/Vitraux/Images.








NB: je ne suis pas satisfait par la taille de ces images, je reverrai cela plus tard.
Il y aura une suite à ce chapitre.










« Le fondamental de la béatitude est dans l’acte de voir, et non dans celui d’aimer qui ne vient qu’en second. » Dante.























Le vitrail, l’écran télé/ordi, ou la soustraction des couleurs.


C’est en étant à l’intérieur la Sainte Chapelle à Paris que j’ai pris conscience, que la lumière de l’écran de l’ordinateur venait de derrière. La lumière provient de l’autre côté de l’écran-support, qu’il soit de verre ou de plastique.
Jusqu’ici, j’avais toujours travaillé avec la lumière qui frappe le support papier, toile. Sur un écran d’ordinateur, l’image est vue parce qu’elle est éclairée par derrière le verre.
À l’intérieur de la Sainte Chapelle, les images qui sont à déchiffrer sur les vitraux, à travers les vitraux, se voient en fonction de la lumère extérieure. La lumière intérieure de la Chapelle change en fonction des nuages, de la place du soleil dans le ciel. On ne fait que supposer la lumière extérieure, on ne la voit pas directement. Les images ont plus ou moins d’éclats en fonction de l’éclairage, il en est de même pour un écran de télévision et d’ordinateur.



La Sainte Chapelle, une merveille de l’art gothique du XIII siècle.


Des verrières de 15 mètres de haut remplissent les murs presque entièrement ajourés; un prodige d’équilibre !
1134 scènes, qui couvrent une surface vitrée de 618 m2.
Les plus anciens vitraux de Paris.
Dans un monde sans livre et sans image, ces vitraux avaient une fonction d’enseignement et de prédication; on peut suivre, d’un vitrail à l’autre, de gauche à droite et de bas en haut, les principales scènes de la Bible traitées avec une simplicité, avec des couleurs lumineuses. Les fidèles étaient pris par l’ambiance surnaturelle du lieu. Ils pouvaient se croire à mi-chemin entre la terre et le ciel.

Dans les années soixante-dix, Nam June Paik, « le Pape de la Vidéo » installe des centaines de téléviseurs couchés, côte à côte, images vers le plafond, dans la grande fosse d’exposition du Centre Beaubourg. Un tiers des téléviseurs diffuse des images en mouvement plutôt bleues, un autre tiers des images plutôt blanches, et le dernier tiers rouges. Bleu/blanc/rouge, le drapeau de la France qu’avec des téléviseurs placés horizontalement!
En 82, les postes de télévisions sont empilés sur une hauteur vertigineuse. Paik fait preuve d’invention, de liberté, et d’humour !

« Je suis un homme pauvre, issu d’un pays pauvre, je dois divertir à chaque instant. » Nam June Paik.




Les murs d’écrans dans les super marchés sont subjuguants…
Les images lumières ne proviennent pas de l’extérieure, elles proviennent des canons à électrons ou autres technologies plus récentes, le plasma.
Ces murs en L ou en U des magasins sont obsédants parce qu’ils présentent presque toujours la même image qui peut être une pub ou un extrait de film. Ces murs de téléviseurs me font inévitablement penser à la lumière colorée de l’intérieur d’une église.
Les images, dans un cas comme dans l’autre, n’ont pas du tout le même sens ! Quoique ? Vitraux ou pubs télé… Ces images nous invitent à suivre ce qu’elles contiennent.

La passoire à nouilles ou l’unité pixel.

Le pixel est l’unité-point de tous les écrans. Si l’on compare un écran à une passoire derrière laquelle on place une lampe de poche, le pixel est le trou par lequel passe la lumière, il en est de même pour un téléviseur, l’écran est une passoire à lumières.



Dans la Mésopotamie ancienne, les dieux du haut de la voûte céleste, inscrivaient des messages pour les humains en organisant les lumières (les étoiles, les planètes, les comètes) en un certain ordre. En bas, les humains déchiffrent les messages à l’envi. Pour comprendre l’idée que ce faisaient les mésopotamiens du ciel la nuit, il faut imaginer une gigantesque passoire placée à l’envers sur la terre, les hommes sont placés sous la coupole, la passoire est percée. C’est derrière ces trous d’aiguilles que les dieux opèrent, ils illuminent l’espace derrière la passoire et nos ancêtres ne voyaient que les petites lumières qui perçaient à travers les trous. Cette représentation ressemble singulièrement à la technologie de notre téléviseur, mais avec apparemment beaucoup moins de trous. Apparemment ! Car en réalité, il y a beaucoup plus de points lumineux dans le ciel qu’à travers le plus performant de nos écrans d’ordinateur, mais les yeux de l’homme n’ont pas la capacité de voir toutes les étoiles la nuit.., Les chats doivent en voir plus que nous ?



On peut travailler à la loupe, pixel par pixel sur l’écran, c’est un travail fastidieux que les retoucheurs de photographies sur ordinateur connaissent bien, c’est même un aspect spécifique de cet outil.
Il n’y a pas si longtemps, les sels d’argent qui forment la couche sensible du papier photographique ne pouvaient pas être éclaircis, effacés, retouchés; ce sont toujours des crayons imparfaits qui, par-dessus les sels, permettent de souligner une lèvre ou d’estomper une mauvaise ombre, alors qu’avec une palette graphique, le moindre pixel peut être contrôlé. Chaque petit point, pixel est pris en compte par l’ordinateur.

L’équivalent du pixel en peinture serait peut-être la touche du peintre, la marque du pinceau, visible chez Monet, chez Van Gogh. Ingres mettait un point d’honneur à ce que l’on ne voit pas ses coups de pinceaux, il les fondait les uns dans les autres. Les restaurateurs du plafond de la Chapelle Sixtine ont fini par connaître le pinceau de Michel-Ange, et donc à repérer les rajouts des peintres qui l’ont succédé.

Les pixels ont été tapageurs sur l’écran, c’étaient de véritables marches d’escalier ascensionnelles lorsqu’on traçait une oblique; c’est le "crénelage". Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de pixels sur les écrans, les trous de la passoire ne se voient plus à l’oeil nu.
Le crénelage se voit toujours, mais on peut l’oublier, beaucoup de fonctions de logiciels de création graphique proposent et imposent des lignes progressivement lissées sur leur droite et sur leur gauche (smooth); des couleurs intermédiaires subtiles, comme des paliers, s’installent automatiquement pour faire oublier les crans qui, de cette manière, s’estompent.


La meilleure définition d’écran qui trompe actuellement l’œil humain ne tromperait pas l’œil d’un rapace qui voudrait repérer sa proie de son perchoir équipé d’une caméra surveillance. Le jour où cela arrivera, la définition des écrans informatiques devra encore augmenter. Mais sans aller jusqu’à s’occuper des capacités des rapaces, il faut s’imaginer la moquerie qu’inspireront nos écrans aux générations du futur, un siècle suffira.

Les points du Minitel font déjà sourire.

On nous reprochera sans doute d’avoir été bien crédule face à nos écrans. Aujourd’hui, nous avons du mal à comprendre pourquoi les premiers spectateurs furent effrayés devant cet écran noir et blanc pas plus grand qu’un écran à diapositives et sans le son…« Train arrivant en gare de La Ciotat » 1895, le train n’arrive pas franchement de face, la caméra est placée sur le quai !


Les tesselles de la mosaïque.


Certaines mosaïques de Pompéi que l’on peut voir au musée de Naples sont des chef-d’œuvres de minutie !



Aujourd’hui nous ne sommes plus gênés par les séparations des points-pixels sur notre écran d’ordinateur, nous avons d’autres préoccupations lorsque l’on y dessine, et puis, les points sont si petits que notre œil ne peut plus les séparer.
Il en va de même de certaines mosaïques romaines qu’il est presque impossible d’identifier comme étant de la mosaïque tant les petits bouts de verre et de pierres sont minuscules. Certaines cartes postales qui reproduisent ces mosaïques trompent complètement, elles donnent l’impression d’être de la peinture reproduite. C’est vrai que les "artistes-artisans" poseurs de mosaïques composaient d’après un modèle peint. La peinture se fait par superposition de coups de pinceaux de différentes tailles, que l’on appelle la touche alors qu’une mosaïque est un travail de juxtaposition de tesselles de couleurs.



à suivre.