mardi, février 20, 2007

Art Land Paysage















L'art dans le paysage.
Le paysage dans l’Art.


De tous les temps et quel que soit le temps, les artistes n’ont pas souvent mis le nez dehors pour créer leurs œuvres: la plupart du temps, ils ont peint et sculpté de mémoire avec du matériel encombrant difficile à déplacer, blottis à l’intérieur de leurs grands ateliers à éclairage zénithal..., bien au chaud.

Si les Impressionnistes ont chaussé leurs godillots, c’est parce que c’était maintenant plus pratique de sortir avec de la peinture en tube, toute prête ! Et un petit chevalet qu’ils pouvaient camper en pleine nature. Tout équipés, ils avaient l’allure de randonneurs. Ils se déplaçaient pour peindre sur place la lumière et les ombres qu’ils voyaient changer d’heure en heure.

Aujourd’hui, il n’y a plus de peintres impressionnistes qui comptent, mais, des artistes sortent, peignent et sculptent dans la nature avec les éléments naturels qu’ils ramassent ; les graines de sorbier rouges, les pétales de pissenlit jaunes, les myrtilles violacées… Il y a le choix!

Il ne faut pas trop insister à comparer les artistes d’époques différentes !

À la fin des années soixante, c’est tout de même la première fois qu’une poignée d’artistes passent leur temps dehors. Ils n’utilisent ni peinture en tube ni matériaux nobles comme le bronze ou le marbre : ils déplacent les rochers, la terre et le sable comme des bâtisseurs de route, ils sculptent la nature.
Voici trois exemples :
Robert Smithson réalise à la pelleteuse une vaste route spiralée qui se rend dans la mer comme un quai qui ne servirait à rien.
Christo empaquette trois kilomètres de côte Pacifique rocheuse avec 92 km2 de toile blanche.
Walter De Maria installe mille mâts d’acier poli de 4 à 8 mètres de haut sur 1km2 pour recevoir la fureur du ciel ; les éclairs.
Leurs projets sont souvent immenses, voire démesurés : ce sont de véritables “dieux constructeurs”.

Ce sont les artistes du Land-Art.
Land : signifie “paysage” en anglais.
Art : signifie “façon”, “manière” en anglais et en français.



Cette introduction faite, aujourd’hui intéressons nous seulement à la simplicité, à l’humeur, à la rigueur des artistes solitaires tels que Richard Long, Nils-Udo, Andy Goldsworthy, Giuseppe Penone qui ne se prennent pas pour des taupes ou des araignées géantes et mécaniques comme les artistes des années 60 dont on vient de parler.

« Je n’emporte rien avec moi comme outil, pas de colle ni de corde, car je préfère explorer les liens et les tensions naturels qui existent au sein de la terre… »
Andy Goldsworthy se rend dans la nature avec les mains dans les poches.

Les “Paysag'Artistes” sortent, ils n’ont pas d’atelier, ils marchent beaucoup, ce sont des chasseurs, mais ils ne traquent pas les animaux, ils cherchent des matières pour travailler. Ils peuvent utiliser de la neige s’il y a de la neige. S’il y a des coquelicots, ils cueillent les pétales rouges et ils enveloppent une grosse pierre trouvée à proximité de ces pétales collectés; la pierre devient rouge.., on ne le croit pas de nos yeux !
Les artistes offrent à l’endroit choisi ce que l’endroit aimerait voir.


Ces artistes profitent des occasions qui se présentent au jour le jour ; en automne, ils classent les feuilles rouille, les feuilles encore un peu vertes, celles qui jaunissent, il y a beaucoup de couleurs différentes. Avec toutes ces nuances, ils peuvent peindre comme des vrais peintres de la peinture ; mais ils ne peignent pas, ils organisent les feuilles colorées sur l’eau, sur de l’argile, sur l’herbe.
Comme leurs oeuvres ne dureront pas autant que les toiles de Monet au Musée d’Orsay, ils prennent des photos de leurs œuvres. On peut les voir photographiées dans les musées, mais plus couramment dans des livres des bibliothèques.

« Un arbre secoué par le vent devient une source de brindilles et de branches. Je décide de m’arrêter quelque part ou de ramasser un matériau quand je sens qu’il y a quelque chose à découvrir. C’est ainsi que j’apprends. » A.G

La pratique de ces artistes ressemble sans doute un peu à celle de nos ancêtres de la préhistoire qui aimaient les fleurs et les cailloux. Les archéologues en ont trouvé bien organisés dans les tombes qui datent de cent mille ans. Ils n’ont retrouvé que les traces de pollen des fleurs !
Nos ancêtres choisissaient aussi, sans doute, des morceaux de bois pour leurs formes particulières. Ces formes avaient du sens pour eux.
C’est ça agir en artiste !
À quel moment un simple morceau de bois devient-il une œuvre d’art ? Le sculpteur doit-il toujours tailler le morceau de bois pour qu’il devienne une œuvre ?

En 1912, Marcel Duchamp décide: “il est plus important de choisir que de faire”, par cette opinion, il ferme la boucle, il rapproche l’art moderne à l’art des premiers hommes esthètes et..., basta !

Les oeuvres de ces “artistes de l’extérieur” sont une belle suite aux jeux de notre enfance lorsque, dans les prés et les champs nous avons essayé de tresser des tiges de joncs, des couronnes de lierre. Avez-vous rassemblé des feuilles de hêtres avec des brindilles piquées ? Peut-être avez-vous déjà enlevé une rangée de nervure sur deux à une feuille de marronnier ?
En coupant net une tubulure d’angélique, on peut boire à la source trop basse comme avec une paille.
Collez-vous une belle grande épine de ronce sur l’arête du nez avec de la salive ; vous ressemblerez à un rhinocéros; la base de cette épine en forme de selle de cheval s’adapte parfaitement au nez.

Ce sont des offrandes à la nature que font ces artistes. Ces cadeaux artistiques ont presque une dimension religieuse, comme pour un culte païen ; ils s’adresseraient aux dieux de la nature en pensant qu’ils accepteraient leur don…
Ces œuvres servent à nous faire prendre conscience, à nous les hommes, plutôt qu’aux dieux qui fument la pipe à l’intérieur des volcans et qui se fichent pas mal de nous..., à nous faire prendre conscience que nous gâchons un peu tout avec nos machines à gasoil, avec notre béton, notre goudron, nos gaz en tout genre, nos déchets toutes catégories qui polluent les rivières, l’air, la couche d’ozone.

Ces artistes mine de rien, sans tambour ni trompette de Jéricho, essayent de nous rappeler que l’on est des habitants de “la planète terres-eaux-arbres-brindilles-fleurs” et que tout cela est très beau même si dieu l’a fait assez vite en quelques milliards d’années.
Ces hommes stars de la nature nous apprennent, qu’il est poétique, sympathique et artistique de seulement modifier quelques petits trucs dans le paysage sans lui faire de mal. Ils nous enseignent de bien regarder la nature, de la regarder simplement et ça fait plutôt chaud aux yeux. Ils nous demandent de bien examiner la petite chose ou l’œuvre éphémère qu’ils ont réalisée avant qu’elle ne disparaisse, avec le vent, la pluie, avec le soleil.

Mes œuvres sont des prétextes pour donner à voir la nature.” Nils-Udo



Ne plaçons personne trop haut sur un piédestal, ces artistes n’ont pas inventé la poudre, depuis longtemps les Japonais ordonnent des jardins d’une étonnante beauté et sobriété ; le moindre caillou à sa place calculée, la fleur est placée dans un écrin, le sable est ratissé. Le jardin japonais est une science et une manière de vivre depuis longtemps.
Et aussi, on parle de jardins à la française et de jardins anglais : les premiers sont très géométrisés, la nature est symétriquement taillée, muselée, réglementée, on peut voir cela au château de Versailles. Les seconds, les jardins anglais sont tout aussi travaillés et entretenus, mais cela ne se voit pas du premier coup d’œil, sauf pour la pelouse ! .., qui est toujours exagérément tirée à quatre épingles. En Angleterre, la géométrie des parcs est absente, la nature semble sauvage, mais en réalité tout est mis en scène comme au théâtre.
Depuis longtemps donc, les hommes jouent avec les plantes, ils les domestiquent autour de chez eux. Les artistes des années 70 et 80 quittent les villes et s’éloignent dans les prés, les champs, les montagnes, les déserts, les contrées inhospitalières chaudes et froides.



Giuseppe Penone a 20 ans en 1968. Il peut aussi bien travailler dehors qu'à l'intérieur de son atelier s’il a une idée assez simple comme celle-ci : évider un arbre abattu à la gouge et au ciseau à bois. Il enlève méthodiquement les cernes concentriques de la croissance de l’arbre pour retrouver bien au milieu le jeune arbre d'origine avec ses quelques petites branches. Ainsi, à l’intérieur de l’arbre abattu par la tempête, Penone retrouve l’image du jeune arbre hérissé de ses petites branches, mais le petit arbre est écorcé ! l’artiste italien est remonté dans le temps de l’arbre et aussi sur son temps à lui, celui de sa jeunesse, celui d'avant sa naissance. L’arbre “décerné” est une œuvre à remonter le temps, mais moins qu’une véritable machine à voyager dans le temps…

« Et si l’on pouvait redresser l’arbre abattu par la tempête? » L’artiste polonais Ryszard Litwiniuk l’a fait en 1999. Il a taillé un tenon et une mortaise dans le tronc d’un géant. Il a finalement laissé l’arbre couché au sol avec son articulation.., comme une porte ouverte. Il appelle son oeuvre “Renaissance”.
Dans l’Antiquité grecque, ces œuvres seraient des hymnes aux deux divinités opposée et complémentaire ; à ma droite, Apollon, dieu de l’Intelligence, de la Beauté, de la Raison, à ma gauche, Déméter déesse de la terre mère et nourricière.
La nature (Déméter) est opposée à la culture (Apollon) et encore plus simplement dit; la nature opposée à la civilisation, à la ville.
Les civilisations proclament souvent leur préférence pour l'un ou pour l'autre: Les Grecs, la nature. Les Romains la ville.

« J’ai salué ce lieu, puis j’ai commencé. » A.G



Péroraison : dommage que l’humour ne soit pas très présent dans ces œuvres éphémères. Pourtant, l’humour est conciliable avec le respect et l’hommage à la nature. Je l’ai remarqué et encouragé, lorsqu’on travaille en groupe et avec les enfants en forêt, les œuvres facétieuses apparaissent très vite.

Terminaison : C’est difficile de définir exactement ce que sont ces artistes et ce qu’est le “Land-Art”, qui s’appelle suivant les circonstances “Earth Art”, “Art Végétal”, “Art In situ”, “Art Ecologique”, on a vu que ces pratiques flirtent tantôt avec l’horticulture, l’environnement, le jardin, la biologie expérimentale, la sculpture, le chamanisme, la poésie.

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