mercredi, octobre 31, 2007

Musclor 1 & Vénus 1.














La sculpture typ’top de l’Homme modèle et de la Vénus de rêve.


Conversations entendues lors de différentes expo’, transcrites ci-dessous.

Première conversation.


- Quelle belle femme en bronze ! on dirait un moulage tant elle ressemble à une vraie!
- Elle semble bien fidèle au modèle !
- Alors, pourquoi ne pas la faire d’après moulage ? Pourquoi se casser la nénette à la modeler ou à la tailler dans le marbre ?
- Ce n’est pas pareil, le sculpteur l’a réalisée exactement comme s’il l’avait moulée, mais sans l’aide d’un moule. Son œil et sa main sont aussi forts qu’une machine à mouler.
- C’est nul de faire à la main ce qu’un moule peut faire.

- C’est cocasse, tu soutiens l’idée inverse de celle d’Andy Wharhol; « Je voudrais être une machine.» disait-il. Il voulait être une machine à peindre des Liz Taylor en sérigraphie. Je pense qu’il aurait aimé être une machine à sculpter des Liz ou des Marylin.
- Au Salon des Arts, Rodin fut soupçonné de moulage lorsqu’il présenta « l’âge d’airain ». C’est un jeune homme gracieux en bronze, il est de la taille de son modèle. Mouler se faisait, mais ça faisait mauvais genre, ça diminuait forcément l’aura de l’artiste.
- Et pourtant ! ce qui compte, n’est-ce pas plus, le choix du sujet, le choix de l’attitude de la personne sculptée, le choix de son expression plutôt que l’exactitude du modèle?
- Bien sûr, c’est comme au théâtre.
- Comme au théâtre ?

- Oui, le même rôle peut être joué et mis en scène par des artistes différents. Le résultat expressif dépendra des qualités de plusieurs personnes ; de l’acteur, de l’écrivain, du metteur en scène, de l’éclairagiste, etc. Je ne parle que des expressions du corps et du visage.
- Oui, c’est vrai, Harpagon a été joué par différents comédiens.
- Vexé, Rodin ne présenta par la suite que des personnages plus grands d’un tiers que la réalité de son modèle. De plus, il laissa les traces inachevées sur son argile. Son affaire de moulage s’est arrangée d’elle-même.
- Je retiens que, suivant l’époque, l’artiste aime le moulage et à d’autres moments non; Warhol, Duane Hanson, oui. Rodin, Canova, non.
- Le public, lui, suit-il toujours conjointement les envies des artistes ?
- Si, mais avec plus ou moins de retard.
- Peut-être cette discussion se résume-t-elle ainsi ; à certains moments de l’histoire de l’art du monde, le public et l’artiste valorisent le travail plus que les qualités expressives de la sculpture, c’est quelques fois le contraire. Mais aussi, le plus souvent, l’expression et le savoir-faire peuvent compter pour autant.




Conversation d’expo’ transcrite.

Deuxième.

- Tu connais Galatée ?
- « Il me considérait comme descendue du ciel. » rapporte Dina Vierny modèle à 15 ans, en parlant de Maillol 73 ans.

- Dina était la Galatée de Maillol ?
- Non !
- Tu connais Pygmalion ?
- Oui, c’est un sculpteur grec qui détestait les femmes. Cependant, il se pâma devant sa sculpture tant elle était belle et réussie, puis il réussit à l’épouser. Il s’appliquait, il la lissait.
- Il ne se pressait pas de la finir !
- C’est Aphrodite qui l’a rendue vivante pour faire plaisir à Pygmalion qui la soûlait de ses demandes régulières.
- Il a appelé sa sculpture Galatée.
- Beaucoup d’artistes aimeraient pouvoir épouser leur sculpture !
- Tu me fais penser à Degas et à sa jeune danseuse arrogante en tutu.
- L’épouser?
- À condition qu’elle soit réussie. Le hic, c’est que peu d’individus ont le niveau de Degas.

- Personne n’épouserait une sculpture ratée à la plastique disgracieuse.
- Imagine que l’on dise aux jeunes gens; « Sculpte la fille de tes rêves et c’est celle-ci qui t’apparaîtra le jour et la nuit de tes noces! »
- Certains se sauveraient en courant et ne modèleraient plus jamais de l’argile
- Moi j’en connais qui s’appliqueraient.
- J’ai pris l’exemple de la jeune fille, mais il en serait de même pour le Musclor de ses rêves.



Conversation d’expo’.
Troisième transcription.


- Les Égyptiens nommaient quelques fois le sculpteur « celui-qui-garde-vivant. »
- Je dirai plutôt, celui qui aimerait rendre vivant.
- Il faudrait s’entraîner dans les écoles d’art avec de grands maîtres. Il ne suffit pas de s’appliquer pour réussir la belle représentation d’un être humain.
-Il y a des perfectionnistes qui ont recours à d’autres matières que l’argile ou le marbre !
- Le latex, la résine synthétique?
- Oui, on peut acheter une femme par correspondance dans des matières qui donnent la texture de la vraie peau, mais bof, on est loin du réalisme.
- Non, pas de latex, je pense à de la vraie chair. Sculpter avec de la chair humaine.
- De la vraie chair ? Ta plaisanterie est de mauvais goût. Restons en sculpture artistique.
- Non ! Examine le cas du Comte de Frankenstein qui ne fait que rassembler des morceaux de chairs mortes. Il laisse voir les raccords. La créature qu’il réalise est laide, repoussante, elle va s’en rendre compte et c’est le début de la catastrophe puisque cette créature mâle ne réussira pas sur cette terre à aimer une femme née du ventre de la mère. Subséquemment, il demandera désespérément à son créateur, le comte de Frankenstein de lui fabriquer une femme à son image, faite de lambeaux de chair.

- Heureusement le Comte ne va pas faire deux fois la même balourdise avec de la récup’ de cimetière. Cette fois il imagine les conséquences ; la copulation puis, la reproduction. Ce refus sonnera le glas de ses ennuis. À lire.
- En fait, je me demande si lorsque qu’une femme attend son bébé, elle n’est pas dans la même angoisse que celle du sculpteur qui doit s’appliquer. Pas le droit de fumer, bonne alimentation, pas de voiture.
- N’exagère pas, ce n’est pas comparable ! Il n’y a pas de point commun entre la chair et ces autres matières ; le bois, le marbre, le bronze et le latex.,







Conversation de Salon.

Quatrième transcription.

- Les gens aiment bien que le bois et la pierre sculptés ressemblent bien à quelqu’un.
- Oui, on reproche à Pline de ne s’occuper que de cela et de ne pas s’occuper de l’émotion des personnages.
- Pline l’Ancien c’est un historien romain ?
- Il a écrit une histoire de la sculpture grecque en ne se préoccupant que du niveau de réalisme atteint par les sculpteurs; hiératisme, raideur, membres qui se décollent plus ou moins du corps, puis muscles plus ou moins bien placés, et enfin apparition des veines et du mouvement.
- Il raconte la période des Kouros et des Korés (VIIIe av J.C) jusqu’au Discobole de Myron (IIIe av J.C.)
- Oui, et c’est vrai qu’il y a eu des progrès spectaculaires au cours de ces quatre siècles, cela va du hiératisme au déhanchement.
- Oui, au début le Kouros est rigide et puis le discobole s’anime.



- Les sculpteurs modeleurs des siècles précédents ne cherchent-ils pas tous la ressemblance jusqu’au trompe l’œil ?
- Si presque tous.
- Pourtant, ça énerve Rodin de faire la chair lisse comme de la savonnette.
- C’est pour cela qu’il laisse les boulettes d’argile à peine écrasées.
- Oui, comme les Impressionnistes qui laissent leurs touches grossières.
- Il y a des artistes qui fuient la ressemblance ?
- Oui, Picasso et Matisse. Eux, ils sont contents quand on ne reconnaît plus le sujet qui pourrait être placé à côté. Matisse cherche à épurer, c’est-à-dire à supprimer le moindre muscle. Il en arrive à une femme taillée sommairement à la hache dans un arbre, c’est pourtant de l’argile qu’il manipule.
- Les sculpteurs africains et océaniens se sont toujours contre fichus du réalisme.
- C’est bien cela qui a séduit les artistes du début du siècle.
- Qu’entends-tu par « cela » ?
- Je veux parler de l’aspect frustre, épuré et dissonant du corps humain dans la statuaire « primitive », heu, je veux dire « première. »

- C’est vrai que tailler une femme svelte dans un morceau de bois est plutôt surprenant.
- Et que cette belle femme serve de cuillère est encore plus insolite pour un sculpteur européen.

- Depuis cette prise de conscience de la qualité de la statuaire des autres civilisations, les sculpteurs européens se sont-ils détournés du réalisme ?
- Oui, disons qu’après Maillol et ses femmes bien en chair que l’on voit aux jardins des Tuileries, il n’y aura plus personne pour faire du vrai.
- Pas vraiment, par la suite, il y a eu Henry Moore.
- Oui mais ses femmes donnent l’impression d’être en savon bien usé et troué après une vingtaine de douches.
- Il y a aussi Botero et Niki de Saint Phalle avec ses nanas dans les années 1970. Elle a donné toute son énergie à arrondir et à mettre en couleur les femmes. Ses Nanas n’ont aucun détail et font penser aux femmes préhistoriques sculptées que l’on appelle Vénus.
- Ces vénus callipyges sont encore plus grosses que les Nanas aux gros seins de Niki !
- Oui, ce n’est pas sans raison, elles symbolisaient la fécondité. Elles ne représentent pas une femme en particulier, mais la femme qui doit avoir des enfants dans de bonnes conditions, il en va de la survie du clan.
- Et pour Niki de Saint Phalle, cela a la même signification ?
- Oui, on est en plein dans le féminisme…l’avortement va être légalisé…
- On est loin de la sculpture pour décorer son salon. Cette idée de décoration n’a peut-être jamais existé.
- Tu crois ?
- On ne sculpte jamais pour rien, on ne sculpte pas sans intention ; représenter un être humain doit vouloir dire quelque chose.
- Mais moi, si je modèle une femme, je n’ai rien à dire sur le sujet, j’ai déjà une belle femme et deux beaux enfants en bonne santé, je n’ai pas envie de statuette fétiche et votive pour conjurer le sort ou le destin.
- Ça n’a pas toujours été si facile d’avoir des enfants. Recule de quelques millénaires. La plupart des statuettes Jomon au Japon étaient cassées sur le site pour une raison que l’on ignore mais qui a vraisemblablement un rapport avec la fertilité ou les accidents de couches, la mort de la mère, la césarienne.
- C’est vrai qu’aujourd’hui on sait pourquoi un enfant naît et par quoi et même comment.
- Personne aujourd’hui n’aurait l’idée de faire un bébé d’argile pour favoriser ou conjurer l’humeur des dieux à décider de la vie de l’enfant.
- Oui, parce que tout se passe bien la plupart du temps.











1 commentaire:

Anonyme a dit…

ça y est! Maintenant, je me rappelle pourquoi je voulais me marier avec Mary shelley quand j'avais 13 ans.
jb