J.J Grandville caricaturiste (1803-1847)
" C’est lui qui va habiller les animaux, leur faire prendre des postures humaines. Ou l’inverse, il met des têtes d’animaux sur des corps humains. L’originalité des dessins de J.J Grandville passe aujourd’hui pour une habitude courante..."
Voilà, l’essentiel est dit sur J.J Grandville.
Au début de sa carrière, il est peintre, il expose au Salon des Beaux-Arts de Nancy mais, la peinture ne nourrit pas l’homme, alors il illustre des livres, c’est un travail répétitif et prenant. Les journaux aussi le font vivre. Grandville collabore aux principaux journaux liés à l'actualité politique, artistique et littéraire de cette premier moitié du XIXe : La Silhouette, La Caricature, Le Charivari, Le Magasin pittoresque, L'Illustration.
La plupart de ces journaux critiquent les régimes et les hommes en place. Grandville est stimulé autant qu'horripilé par la censure.
Il finit par s’en lasser et ne plus faire que de l’illustration. Il dessine l’univers intemporel des Fables de La Fontaine, pour être plus tranquille. Ses dessins fantastiques et zoomorphes, métamorphoses d’êtres humains, d’animaux et de plantes, lui valent d’être revendiqué par les surréalistes. Grandville entre dans un monde étrange que Baudelaire compare à « un appartement où le désordre serait systématiquement organisé ».
Revoilà, l'indispensable est dit sur J.J Grandville, ça peut suffire.
Grandville +
C’est rare qu’un artiste parle lui-même de son labeur et des techniques de transfert et d’impression.
Grandville le fait, on peut presque encore l’entendre se plaindre, en lisant les paragraphes ci-dessous.
"Toutes les personnes qui ont vu mes gravures ignorent par quelle suite de tâtonnements, d’essais, de travaux successifs chacun de mes dessins est arrivé à ce résultat."
"Le dessin n'a pas "pour la mission de calquer le visible, le dessin doit donner forme à ce que conçoit l'esprit. D'abord, j’esquisse ma pensée sur papier, ou sur ardoise avec la craie, ce qui me permet d'effacer, de redessiner constamment jusque ce que je trouve ma composition et le mouvement que je désire donner à mes personnages. Je copie et je reporte sur papier cette composition et c’est là que je passe à la plume. Ensuite je réduis ce sujet pour en trouver l'effet plus facilement, et là j'ai l'occasion de voir. Du coup, j'attaque les ombres et les touches bien plus hardiment, n'ayant pas à m'occuper de l'expression ni de la finesse de la forme. »
La lithographie est une nouvelle technique d’impression, il s’y essaye, elle contribue à sa gloire.
Mais aussi, en concurrence, la technique de la gravure sur bois de bout, inventée à la fin du XVIIIe siècle par un anglais, arrive en France à partir des années 1830.
Le bois, travaillé au burin perpendiculairement au sens des fibres permet une finesse proche de la gravure sur cuivre, et une impression sur presse typographique, mais l’artiste doit passer par des intermédiaires pour voir son ouvrage transposé sur bois.
20 ans plus tard Gustave Doré dessinera directement sur le bois, Grandville lui, reste fidèle au papier et confie le report de son dessin à son aide.
Le dessin une fois inversé sur le bois et à nouveau retouché par Grandville, puis il est livré au graveur qui va se charger, par différentes techniques de taille, de traduire les traits et les valeurs dans le bois.
C’est lors de cette étape que le dessin de l’artiste risque d’être dénaturé.
On sait par la correspondance de Grandville qu’il connait bien toutes les techniques, il se méfie de ces différentes opérations, alors il guide ses graveurs, allant même jusqu’à leur indiquer dans quel sens les hachures doivent être exécutées. Malgré toutes ces précautions, il n’est pas toujours satisfait du résultat.
« Ayant à faire remettre sur bois chacune de ces compositions, j’en précise les travaux de façon à prévenir les fautes de mon aide, lui indiquant tout, jusqu’au sens des hachures, leur recroisement, etc. »
« Alors reste le second report, sur bois, que je confie à un brave et consciencieux graveur, Auguste Despéret qui durant 12 années, m’a donné à redresser les mêmes fautes, et de dessin et d’esprit, mais est resté aussi près que possible du contour et de l’effet.
Des artistes, des connaisseurs amis me font bien souvent le reproche de n’avoir pas eu le courage de m’affranchir de cette aide bien souvent désespérant pour moi. Cela me donne plus de temps pour la composition. »
Mais ce temps gagné est en fait surtout employé à revenir sur le dessin de Désperet pour y corriger des défauts ou y apporter des changements, la preuve :
« D’ailleurs, pas dessus son travail je reviens toujours avec le crayon. Que de fois j’ai pesté, envoyé mon homme à tous les diables, passant des journées à redresser ses erreurs, à réparer ses lourdeurs, refondant ses hachures, les recroisant, détruisant par ici, ajoutant par là . Bref, j’épluche le moindre trait de son crayon trop exactement fidèle quelquefois, et d’autres, cruellement indompté!»
« Je reprends le cours et l’ordre de mon travail, la mise sur bois fini, le dessin bien dûment retouché. C’est alors qu’il me restait à subir la plus cruelle - horrible - des tortures... à passer sous l’outil impitoyable du graveur. Combien de fois le sang me monta au visage à la vue de tant d’atroces cruautés, de tant de mutilations, opérées par ce que ces messieurs appelaient tranquillement du métier ! »
Je serais curieux de savoir ce qu’auraient dit de lui son cher Desperet et ses nombreux chers graveurs…
« Quel casse-pieds ce Grandville ! »
La censure
Lorsqu’il dessine pour la presse, il fait des attaques contre la monarchie de Juillet. Ses dessins déplaisent à Adolphe Thiers, qui promulgue, en 1835, sous Louis-Philippe une loi exigeant une autorisation préalable pour la publication de dessins et de caricatures.
Encore la censure ! Elle avait presque disparu, elle revient !
Grandville attaché à la liberté de la presse est atteint par les attaques incessantes de la police ; il est même perquisitionné et la fouille désordonnée faite par les gendarmes lui donne le coup de grâce. Il s’en souvient dans une caricature en figurant les gendarmes sous la forme de mouches agaçantes envahissant son domicile.
La monarchie de juillet lui fournira l’occasion d’exprimer ses idées républicaines et anticléricales. Les thèmes du budget, des violences du pouvoir, du ridicule et des abus des puissants sont les sources d’inspiration de Grandville qui ne néglige pas l’observation quotidienne de ses contemporains, il croque les bourgeois, les coquettes, les notaire, etc.
Il invente tout un ensemble de procédés « pour donner parole aux images, afin qu’elles agissent immédiatement sur le lecteur ».
Aujourd’hui, il est difficile d’interpréter ses caricatures liées au contexte historique et politique du temps. L’actualité est hermétique pour celui qui ne connaît pas bien l’histoire de ce siècle mais, ça n’ôte rien à la qualité artistique des dessins.
La poisse.
La misère règne à Nancy et la vie du foyer des Gérard n’y est pas facile.
Jeune, il découvre Jacques Callot : les Arlequin, les Pantalon et les Polichinelle.
Ce prend le pseudonyme de J.J. Grandville.
Il épouse sa cousine Marguerite.
Leur premier fils, ne vit que quatre ans.
Un deuxième fils meurt en 1841, étouffé en mangeant un morceau de pain, en présence de ses parents.
Son troisième fils, naît en juillet 1842.
Sa femme décède le même mois d'une péritonite.
Le troisième fils de son premier mariage, âgé de 4 ans et demi, meurt en janvier 1847 après une courte maladie.
Grandville perd en dix ans sa première femme et les trois enfants. Il est physiquement et mentalement brisé.
En 1847, il est atteint d'une crise de folie. Le pressentiment de sa mort ne le quitte pas, le 17 mars, deux mois après la mort de son troisième fils, Grandville meurt.
Où sont les dessins de Grandville ?
Quelques années après la mort de Grandville, en 1853, 1168 dessins sont mis en vente.
200 dessins et un millier d'estampes rejoignent les collections de la Bibliothèque municipale de Nancy en 1921.
En 1893 et 1894, le seul fils de Granville partage la collection. Il lègue 1 432 dessins au Musée des beaux-arts de Nancy, 58 dessins au Musée lorrain, 522 à la Bibliothèque publique de Nancy.
Et seulement 15 dessins la Bibliothèque nationale de France à Paris.
Le Musée Carnavalet à Paris conserve un cahier de croquis et un album de 50 dessins et aquarelles.
À l’étranger, le Musée national de Varsovie compte 29 compositions attribuées à l’artiste.
D’autres dessins sont conservés dans des collections privées.
Moi, j’ai trois ou quatre pages d’un Charivari, autant dire rien.
1 commentaire:
Bonjour,
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Bonne journée à vous !
Hélène Aiello
Assistante marketing
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