(Pour information, c'est une partie du programme des classes de terminale littéraire arts plastiques.)
Essayons de comprendre la peinture du XIX è siècle et plus précisément l’art pictural du milieu du XIXe.
Essayons de comprendre la peinture du XIX è siècle et plus précisément l’art pictural du milieu du XIXe.
Le tableau de Courbet "Un enterrement à
Ornans" a été peint en 1850,
il va nous servir de point d’encrage.
Ayez-le sous les yeux, il est possible de l'agrandir.
(Exceptionnellement toutes les reproductions de ce texte ne sont pas du tout bricolées par moi.)
Campons les personnages célèbres de ce début de siècle avant d’arriver à 1850.
A cette époque, Balzac, Stendhal, Musset, Victor Hugo
et Charles Baudelaire sont très
présents sur la scène des Lettres.
Zola n’est encore qu’un bébé.
Chopin, Liszt et Wagner sont les compositeurs de cette
période.
Voici les quatre peintres les plus célèbres du début de
ce siècle.
Théodore Géricault, "Le radeau de la Méduse",
il meurt jeune.
Dominique Ingres, "La grande odalisque" avec sa
célèbre vertèbre en trop.
Ses femmes nues sont aussi lisses que du savon, on ne
voit plus le moindre coup de pinceau, il est l’admiration de presque tout le
monde.
Delacroix peint de manière beaucoup plus vive, on voit
ses coups de pinceaux et on le lui reproche. Il aime beaucoup la couleur.
Ingres ne jure que par le dessin, la précision, le
modelé. Il est dans la tradition de Léonard de Vinci et son célèbre
"sfumato".
Le quatrième en Angleterre, William Turner est le grand
peintre de la couleur qui se revendique de Claude Gelée dit le Lorrain. Ses
détracteurs lui reproche de
peintre avec un balai et de jeter les couleurs sur la toile avec un seau. On ne
le connaît encore pas bien en France au milieu du siècle. C’est évident que
Monet s’inspirera très largement de sa peinture pour peintre ses
"Impressions" cinquante ans plus tard.
Un cinquième, au Japon Hokusaï peint, entre autres
œuvres, une vague très graphique et épurée que personne ne connaît encore en
Europe. Ce sont les artistes Impressionnistes qui sauront profiter de ses
trouvailles.
Grosso modo, Delacroix et Ingres ne peignent que des
scènes mythologiques, Delacroix découvre les lumières et les couleurs de
l’Orient, disons qu’aucun d’eux ne s’intéressent vraiment à la vie présente de
la France rurale de cette époque.
"La Liberté guidant le peuple" est un cas
particulier, Delacroix y retrace un épisode de la Révolution de 1830, mais il
le fait de manière allégorique et héroïque, pas entièrement avec réalisme. Delacroix
est un artiste "romantique", qui par ses couleurs et ses lumières va
influencer, tout comme Turner, les Impressionnistes cinquante plus tard.
Ingres est
un artiste pur jus "néo-classique".
Ce que l’on appellera "l’Académisme", ce seront
les artistes qui vont suivre les conseils classiques de Ingres dans la deuxième
moitié du XIXe. Cabanel, Gérôme, Bouguereau, sont des peintres que l’on va
oublier injustement, on les nomme aussi "Pompéistes" ou pompiers
parce que pour se moquer d’eux, les journalistes identifient les Grecs et les Romains peints, à des
pompiers du XIXe, à cause de leur crête à la punk sur leur casque.
A propos de copie de la réalité du siècle, la
photographie en 1850 se propage, les temps de pause se réduisent, Delacroix et
Courbet s’en servent pour préparer les nus de leurs grandes peintures. Ingres
et Baudelaire en revanche vont manifester contre cette invention qui n’apporte
rien à l’art selon eux.
La France de cette époque est très rurale elle commence à
s’industrialiser, les grandes villes se révoltent souvent.
Voici le décor planté de la vie culturelle de cette
première moitié de ce siècle.
Revenons à ce célèbre tableau "Un enterrement à
Ornans."
Courbet va peindre les paysans comme en parle Georges
Sand en littérature, ils se connaissent. Georges Sand est ami avec Chopin et
Musset. Courbet connaît bien Baudelaire.
C’est finalement assez facile d’imaginer que cet
enterrement à Ornans et toutes les peintures de ce genre de Courbet aient pu scandaliser
les visiteurs des expositions habitués à ne venir voir que de l’histoire
héroïque, de la mythologie, du religieux codifié.
Tout est simple dans cet enterrement, comme si l’on y
était vraiment.
Les artistes aiment être exposés au Salon, mais il faut
suivre les règles, Courbet n’a pas envie de les suivre. On appelle
"Salon" les grandes expositions à cette époque, Courbet y est souvent
refusé, comme le seront les Impressionniste 30 ans plus tard.
Cet enterrement aujourd’hui peut sembler assez banal,
mais pour l’époque, tout y était
laid : un des bedeaux a le nez rouge, mais il l’avait vraiment
ainsi. L’au-delà, le Paradis et l’Enfer, n’y sont pas représentés comme cela se
faisait jusqu’ici, pas d’anges, pas de symbole ; le crâne en est un, mais
il est possible là où il est placé. Le Christ est tout de même très
présent ; si l’on isole l’espace au-dessus du porte croix, c’est presque
le paysage du Golgotha, là où est mort le Christ sur sa vraie croix.
Bref, c’est une peinture d’un grand réalisme.
Presque un réalisme photographique !
Aux critiques, Courbet répond : « Je n'ai jamais eu d'autres maîtres en peinture que la nature et
la tradition, que le public et le travail. »
C'est la définition de ce nouveau courant dont il est le
chef de file : le Réalisme.
Le mot
"réalisme" que son ami journaliste Champfleury a propagé.
Courbet présente sans fard la vie de sa campagne, c’est
sa campagne, c’est son village.
Les Parisiens se sont bien moqués de la campagne.
Avec Courbet on est donc loin de Delacroix et à des
années lumières de Ingres qui racontent souvent des histoires d’ailleurs et
d’époques révolues.
Bien sûr, tous les artistes ont leur place à condition
que les uns n’empêchent pas les autres d’exister ce qui était malheureusement
le cas des censeurs des Salons qui faisaient la pluie et le beau temps de la
peinture en empêchant Courbet d’exposer.
Ne le plaignons pas, il avait de l’argent d’un mécène,
Bruyas, qui achetait tout ce que
Courbet peignait. Ce même mécène l’a aidé à construire une grande galerie
d’exposition à proximité du Salon, c’est là que fut installé l’enterrement pour
quelques sous.
Courbet n’est donc pas un artiste "maudit" et
fauché, comme ils le seront à la fin du XIXe, Van Gogh, Gauguin.
Courbet est seulement un peu faussement Bohême comme il
aima s’auto portraiturer plusieurs fois. Courbet est presque un notable qui va
s’engager progressivement dans la vie politique de contestation à Paris.
Ce siècle tumultueux débute avec l’Empire de Napoléon,
suivi de trois rois, d’une République et d’un nouvel empire, Napoléon III, qui
s’écrase en 1870 et se finit dans le sang des fusillés le long des murs de
Paris lors de la Commune.
Gustave Courbet participera activement à la troisième
Révolution de ce siècle, celle de 1870. Les deux autres révolutions, celle
de1830 et celle de 1848 suivirent celle de 1789.
Courbet est un ami de Proud’hon qui est proche de Marx et
d’Engel bien actifs à cette époque. Courbet est à la tête de la bande qui
détruit la Colonne Vendôme à Paris un symbole de la dictature napoléonienne et
monarchique.
Ils la fracassent sur la place.
Courbet fera de la prison, il devra payer sa
reconstruction.
C’est la descente aux enfers de cet homme avant sa mort
en 1876. Alors que l’intérêt pour sa peinture monte puisque nous venons de
montrer qu’il est la charnière indispensable entre d’une part Ingres et
Delacroix et les Impressionnistes qui font leur première exposition en 1876, il
est le rempart qui résiste aux Académiciens de par son réalisme. Un dessin
caricatural de Daumier à lui seul résume cette bataille de peinture et de
points de vues ; repérez le casque de pompier, de grec ou de punk de
"l’Académicien" au bouclier. Repérez les sabots du
"Réaliste".
(Il est fort cet Honoré Daumier !
Il faudra que j'écrive un article sur ce génie, et aussi sur Gustave Doré qui figure à peine sur les histoires de l'art, il est pris pour un vulgaire illustrateur.
donc, à suivre.)
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