« L’immobilité n’existe pas. » Tinguely.
Roue sur le feu.
« En 1913, j’eus l’heureuse idée de fixer une roue de bicyclette et sa fourche, à l’envers dans le trou d’un tabouret de cuisine. J’eus l’idée de faire cela pour la regarder tourner.
J’aimais l’idée d’avoir une roue de bicyclette dans mon atelier.
Je prends plaisir à la regarder tourner, tout comme j’aime regarder les flammes danser dans une cheminée. C’est simplement une distraction fascinante et incessante. »
Au début du siècle, les vélos sont encore rares, cela devait être une véritable fascination que de faire tourner une si belle roue sur elle-même!
Pisser dans un violon.
«Cela m’a encore plus amusé de placer cette roue dans une salle d’exposition, ça dérangeait la bourgeoisie qui venait voir tout autre chose ; des personnages moulés en bronze ou sculptés en marbre, mais pas une roue de vélo qui tourne, encore moins un urinoir ! »
« Je suis un voleur d’objet, je les dépose ailleurs, là où ils ne devraient pas être, surtout pas dans un musée, alors je les mets dans un musée. Personne n’a eu envie de les conserver. Ils sont tous passés à la poubelle. »
Librement adapté de Marcel Duchamp.
Roue qui roule.
Quand une roue tourne à une certaine vitesse, il y a quelque chose d’hypnotisant et de mystérieux à voir disparaître sous nos yeux les rayons de la roue.
Enfant, nous avons essayé de comprendre.
Pourquoi les rayons disparaissent-ils ?
Déjà Géricault le peintre du Radeau de La Méduse (1818) regardait avec une extrême perplexité les roues des chariots tirés par les chevaux.
Comment les peindre?
Comment dessiner cet effet sur le papier ?
Géricault peignit des chevaux au galop avec les quatre sabots en suspension, alors qu’on sait maintenant, par la photographie qu’un cheval n’est jamais dans cette position.
Fusil photographique.
C’est Marey, un photographe qui a eu l’idée d’installer des ficelles espacées au sol pour qu’elles déclenchent chacune un appareil photo placé sur le parcours de la course des sabots du cheval. Il arrête ainsi régulièrement un cheval au galop.
La vision de l’homme est trop lente, il ne voit pas les ailes des abeilles qui volent.
La photographie a permis de voir ce que l’œil ne peut pas voir ; une suite d’images fixes d’un cheval qui galope.
Train arrivant à La Ciotat.
En 1895, les frères Lumière ont présenté le film d’un train arrivant en gare. Les spectateurs dit-on se sont caché sous les sièges pour éviter la locomotive qui arrivait de face en grossissant monstrueusement sur l’écran, comme si elle allait continuer son parcours dans la salle de cinéma.
Qu’ont pensé les artistes peintres de cette époque de ces premiers films?
« Cette invention est sans avenir » ont dit les frères Lumière à Georges Méliès qui voulait en acquérir les brevets, ça ne peut intéresser que les scientifiques.
Mais les artistes ?
Peut-être se sont-ils dit qu’il y avait une deuxième révolution en peinture à ne pas rater.
La première révolution a eu lieu à la Renaissance : les artistes inventent la profondeur d’une surface plane. Ils créent l’illusion d’un espace sur une toile, c’est presque incroyable !
La deuxième révolution est pour eux : ils vont donner l’illusion qu’il y a du mouvement sur leur toile. Ils vont piéger le temps qui passe. Leur peinture donnera à la fois l’idée de profondeur et l’idée du temps qui passe, donc de mouvement.
Le nu est dans l’escalier.
Le « Nu descendant un escalier » de Marcel Duchamp, (1913) est une peinture qui montre un personnage robotisé qui descend des escaliers. Il a la qualité d’être encore sur la première marche alors qu’il est déjà presque en bas. Autrement dit, il est partout à la fois en facettes sur l’escalier, de plus, il est de la couleur du bois de l’escalier. C’est donc plus un mannequin d’étude d’élève d’école de dessin* qui descend un escalier.
* (Appelé aujourd’hui O’Cédar )
Cette silhouette brune à facettes disloquées est en quelque sorte l’équivalent peint d’une photographie à « effet stroboscopique* » de Marey ou de Muybridge.
*Technique permettant la visualisation de phénomènes trop rapides pour être suivis par l'œil.
Mais attention ! Ne pas confondre les deux types images. Les visées sont différentes : les photographes scientifiques que sont Marey et Muybridge veulent comprendre le mouvement, alors que Duchamp espère nous toucher autrement : il nous parle peut-être de la condition humaine ; le nu mécanique descend indéfiniment…Il ne pause pas, il ne monte pas vers le ciel comme dans une peinture religieuse. Les deux hommes recherchent chacun à leur manière à nous apprendre quelque chose, ils sont complémentaires.
Néanmoins, sans doute y a-t-il eu des réactions emportées entre les photographes, les cinéastes, les peintres et les sculpteurs. La civilisation avance par action et réaction.
Ce qui est à remarquer, c’est qu’à la fin du XIXème siècle, les sculpteurs et les peintres que l’histoire retient aujourd’hui ne représentent jamais plus le corps humain de manière réaliste comme le faisait encore Rodin en sculpture et Renoir en peinture.
C’est Picasso qui ouvrera d’autres voies en peinture.
Et c’est Brancusi qui perturbera tout en sculpture.
Guitare disloquée.
Regardez une toile cubiste qui représente une guitare. C’est une guitare peinte qui a été vue par un observateur qui s’est déplacé régulièrement en un certain temps autour de cette fameuse guitare, il l’a même retournée pour en saisir tous les détails qu’il a peints côte à côte.
Le peintre a très justement pensé qu’on ne voit pas tout l’instrument d’un seul coup d’œil ; si l’on voit les cordes, on ne voit ni le dos ni l’intérieur. Partant de ce principe, il a essayé de donner, en une seule peinture, le plus d’informations possibles sur la guitare, ce qu’il ne peut pas faire en une seule fois en photographie, ça les rendait plus fort que les photographes.
Plus vite sur le front ; allons-y en vélo.
En 1909 en Italie, Marinetti aime la beauté du monde moderne qui naît du mouvement :
« Une automobile de course avec son coffre orné de gros tuyaux tels des serpents à l’haleine explosive… Une automobile rugissante, qui a l’air de courir sur de la mitraille, est plus belle que la Victoire de Samothrace. »
C’est l’esthétisme de la vitesse qui plaît aux membres du groupe Futuriste italien. Dans son amour excessif pour la machine, Marinetti imagine un être non humain et mécanique, vivant dans un univers électrique et métallique. Certains films de science-fiction actuels traitent le même sujet?
J’ai toujours considéré les tableaux de Kandinsky de sa période munichoise comme étant en mouvement, je les ai toujours vus comme des nuages colorés, superposés, ombragés, organisés et zébrés, défilant à des vitesses différentes. Ses tableaux sont pourtant tous immobiles dans les musées : incapacité du peintre en 1912 à peindre réellement le déplacement des formes et des couleurs sur la surface de la toile, il n’y pensait pas. Il a eu recours à des systèmes empruntés à la bande dessinée ; il ajoute des petits traits ou des traînées à l’arrière des formes. Quelquefois il ne ferme pas sa figure, cela lui donne l’impression de tourner sur elle-même. Il peut peindre des amas de couleurs floues, ce qui donne un effet de « bougé » comme sur certaines photographies. Il ne peint pas le sol, cela donne l’impression à ses figures de voltiger sans cesse.
« Pourquoi l’art devrait-il être statique ? » Alexandre Calder (1932).
En regardant une œuvre abstraite, qu’il s’agisse d’une sculpture de Brancusi ou d’une peinture de Kandinsky, nous voyons des formes, des sphères, des ovoïdes, c’est peut-être bien, mais c’est immobile.
« Comme ce serait beau si tout se mettait à bouger… » Calder.
Un souffle, un balancement, un équilibre..., déséquilibre ; quinze articulations différentes régissent les légers mouvements d’un « Mobile », c’est Duchamp qui a ainsi baptisé ses assemblages.
Calder fabriqua des jouets, il étudia la mécanique, c’est sans doute pour cela que dans les années 30, il eut l’idée de faire bouger une sculpture avec tant de poésie et de sens pratique.
Œufs sur le plat.
J’ai toujours considéré les tableaux de Kandinsky de sa période munichoise comme étant en mouvement, je les ai toujours vus comme des nuages colorés, superposés, ombragés, organisés et zébrés, défilant à des vitesses différentes. Ses tableaux sont pourtant tous immobiles dans les musées : incapacité du peintre en 1912 à peindre réellement le déplacement des formes et des couleurs sur la surface de la toile, il n’y pensait pas. Il a eu recours à des systèmes empruntés à la bande dessinée ; il ajoute des petits traits ou des traînées à l’arrière des formes. Quelquefois il ne ferme pas sa figure, cela lui donne l’impression de tourner sur elle-même. Il peut peindre des amas de couleurs floues, ce qui donne un effet de « bougé » comme sur certaines photographies. Il ne peint pas le sol, cela donne l’impression à ses figures de voltiger sans cesse.
Œufs qui bougent.
« Pourquoi l’art devrait-il être statique ? » Alexandre Calder (1932).
En regardant une œuvre abstraite, qu’il s’agisse d’une sculpture de Brancusi ou d’une peinture de Kandinsky, nous voyons des formes, des sphères, des ovoïdes, c’est peut-être bien, mais c’est immobile.
« Comme ce serait beau si tout se mettait à bouger… » Calder.
Calder le voleur de pesanteur.
Un souffle, un balancement, un équilibre..., déséquilibre ; quinze articulations différentes régissent les légers mouvements d’un « Mobile », c’est Duchamp qui a ainsi baptisé ses assemblages.
Calder fabriqua des jouets, il étudia la mécanique, c’est sans doute pour cela que dans les années 30, il eut l’idée de faire bouger une sculpture avec tant de poésie et de sens pratique.
« L’important, c’est que le mobile attrape le vent. Un mobile, c’est comme un employé de la fourrière. C’est un employé de la fourrière pour le vent. Comme un employé de la fourrière attrape n’importe quel chien, le mobile attrape n’importe quel vent qu’il soit bon ou mauvais. Moi-même je suis comme mes mobiles, quand je suis dans la rue j’attrape aussi des choses. »
Calder.
Les sculptures de Calder deviennent de plus en plus gigantesques, de quelques centimètres au début elles vont monter jusqu’à trente mètres de haut. Il installera ses « Stabiles » un peu partout dans le monde, sortes de grosses araignées noires, parfois rouge comme celle qui est installée dans le quartier de la Défense à Paris. Construire de telles sculptures est à chaque fois un défi technologique qui passionne Calder, grand admirateur des constructions navales à rivets desquelles il s’inspire.
Les mobiles et les stabiles d’Alexandre Calder sont silencieux, Jean Tinguely, lui, va rendre ses machines très bruyantes. Avec lui les musées ne seront plus silencieux.
« Je pouvais peindre pendant des mois, jusqu’à usure totale de la toile, je n’arrivais pas à décider le moment d’arrêter la putréfaction de la peinture. C’est quand j’ai compris cela que le mouvement s’est imposé à moi ; j’ai voulu échapper à cette putréfaction. »
Les sculptures de Calder deviennent de plus en plus gigantesques, de quelques centimètres au début elles vont monter jusqu’à trente mètres de haut. Il installera ses « Stabiles » un peu partout dans le monde, sortes de grosses araignées noires, parfois rouge comme celle qui est installée dans le quartier de la Défense à Paris. Construire de telles sculptures est à chaque fois un défi technologique qui passionne Calder, grand admirateur des constructions navales à rivets desquelles il s’inspire.
Les mobiles et les stabiles d’Alexandre Calder sont silencieux, Jean Tinguely, lui, va rendre ses machines très bruyantes. Avec lui les musées ne seront plus silencieux.
Roues et poulies.
« Je pouvais peindre pendant des mois, jusqu’à usure totale de la toile, je n’arrivais pas à décider le moment d’arrêter la putréfaction de la peinture. C’est quand j’ai compris cela que le mouvement s’est imposé à moi ; j’ai voulu échapper à cette putréfaction. »
Phrase adaptée de Tinguely (1960).
Les premières sculptures de Tinguely de 1950 ne sont que des reliefs muraux abstraits faits de rouages, de fil de fer et des petites plaques de métal de couleurs vives, le tout actionné par une manivelle. Il est proche des bas-reliefs cubistes. Puis, les machines de Tinguely deviennent bruyantes, pétaradantes ; elles sont animées par un système de rouage, de poulies, de courroies qui transmettent le mouvement de rotation et de bielles. Certaines machines peuvent dessiner de manière maladroite. En 1970, ses machines deviennent énormes : une dizaine de mètres. Elles ne servent à rien, elles sont inutiles, elles sont absurdes. « L’Etude pour une fin du monde N°2», un assemblage monumental installé dans le désert du Nevada, disparaît juste après qu’un photographe l’eut immortalisé.
Tinguely déteste l’objet neuf produit par la société de consommation, il ne fait que récupérer les matériaux industriels qui se jettent.
Les premières sculptures de Tinguely de 1950 ne sont que des reliefs muraux abstraits faits de rouages, de fil de fer et des petites plaques de métal de couleurs vives, le tout actionné par une manivelle. Il est proche des bas-reliefs cubistes. Puis, les machines de Tinguely deviennent bruyantes, pétaradantes ; elles sont animées par un système de rouage, de poulies, de courroies qui transmettent le mouvement de rotation et de bielles. Certaines machines peuvent dessiner de manière maladroite. En 1970, ses machines deviennent énormes : une dizaine de mètres. Elles ne servent à rien, elles sont inutiles, elles sont absurdes. « L’Etude pour une fin du monde N°2», un assemblage monumental installé dans le désert du Nevada, disparaît juste après qu’un photographe l’eut immortalisé.
Tinguely déteste l’objet neuf produit par la société de consommation, il ne fait que récupérer les matériaux industriels qui se jettent.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire